Les Piliers de la Terre
l’évêque de construire la cathédrale. Laissez entendre que, si
je suis satisfait, les évêques le seront aussi.
— Mais
si les évêques protestent quand on annoncera l’accord ?
— Comment
le pourraient-ils ? dit Philip. Ils prétendent réclamer le comté
uniquement pour financer la cathédrale. Waleran ne peut guère révéler qu’il
espérait emporter l’affaire pour lui-même. »
Regan eut
un bref ricanement. L’habileté de Philip la séduisait. « Bien raisonné,
dit-elle.
— Reste
une condition importante, continua Philip en la fixant dans les yeux. Le roi
doit annoncer que ma part est attribuée au prieuré. Si ce point n’est pas
clair, je lui demanderai de le préciser. S’il évoque autre chose – le diocèse,
le sacristain, ou l’archevêque – je refuserai l’accord. Je tiens à ce que vous
n’ayez aucun doute là-dessus.
— Je
comprends », fit Regan de mauvaise grâce.
Son
irritation visible signifiait, soupçonna Philip, qu’elle avait envisagé de
présenter au roi une proposition légèrement différente de l’accord. Il se
félicita d’avoir clairement établi ce point.
Avant de
se lever pour partir, il voulait sceller leur agrément. « Alors, nous
sommes bien d’accord ? répéta-t-il. Nous respecterons solennellement notre
pacte. » Il les regarda l’un après l’autre.
Regan
hocha la tête et Percy dit : « Nous respecterons le pacte. »
Le cœur de
Philip battit plus vite. « Bon, je vous verrai demain matin au
château. » Il sortit, impassible, mais dès qu’il atteignit la rue plongée
dans l’ombre, un sourire triomphal s’épanouit sur ses lèvres.
Philip
sombra après le souper dans un sommeil agité et il se leva à minuit pour
matines, puis il resta sans dormir sur sa paillasse, en se demandant ce qui
allait se passer le lendemain.
Il voulut
se persuader que le roi Stephen accepterait cette proposition qui lui réglerait
son dilemme : il aurait ainsi un comte et une cathédrale. Mais
Waleran ? Ne trouverait-il pas un prétexte pour s’opposer à
l’accord ? S’il réagissait vite, il expliquerait que ce marché ne
fournirait pas assez d’argent pour construire la cathédrale impressionnante,
prestigieuse et somptueusement décorée qu’il voulait. Le roi risquait alors de
différer sa décision.
L’aube
pointait. Philip réfléchissait toujours. Si Regan le trompait ? A supposer
qu’elle offre à Waleran le même compromis, Waleran aurait la pierre et le bois
dont il avait besoin pour son château. Cette idée obsédait Philip qui se
retournait nerveusement sur son lit. Il aurait voulu parler lui-même au roi,
mais celui-ci ne l’aurait probablement pas reçu – et d’ailleurs Waleran aurait
fait obstacle. Non, il ne pouvait rien faire pour se protéger contre le risque
d’une duperie. Tout ce qu’il lui restait c’était la prière.
Il pria
jusqu’au jour.
Il déjeuna
avec les moines. Leur pain blanc ne tenait pas à l’estomac aussi longtemps que
le pain noir ; mais aujourd’hui il n’avait pas d’appétit. Il se rendit de
bonne heure au château, bien que le roi, il le savait, ne reçût pas si tôt. Il
entra dans la salle et s’assit sur une des banquettes le long du mur pour
attendre.
Lentement
la pièce s’emplit de quémandeurs et de courtisans, certains vêtus avec éclat de
tuniques jaunes, bleues et rosés, de manteaux garnis de somptueux parements de
fourrure. Sans raison Philip se rappela soudain qu’on gardait quelque part dans
ce château le fameux Domesday Book (Inventaire des biens fonciers d’Angleterre
établi par Guillaume le Conquérant en 1066.), sans doute dans la salle du
dessus où le roi avait reçu Philip et les deux évêques. Le prieur ne l’avait
pas remarqué, mais il était trop tendu pour penser à ce genre de chose. Le
trésor royal était ici également, peut-être au dernier étage, dans un coffre à
côté de la chambre du roi. Une fois de plus, Philip était impressionné par le
décor qui l’entourait, mais il avait résolu de ne plus se laisser intimider.
Ces gens dans leurs belles robes, chevaliers, seigneurs, marchands et évêques,
après tout, n’étaient que des hommes. La plupart d’entre eux ne savaient guère
écrire plus que leur nom. En outre, ils venaient plaider pour eux-mêmes, alors
que lui, Philip, représentait Dieu. Sa mission et même sa robe sale le
mettaient au-dessus des autres solliciteurs, pas au-dessous.
Cette
pensée lui redonna
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