Les Piliers de la Terre
le
comté convoité n’irait ni au prieur ni à l’évêque, mais à Percy. Eh bien,
Philip ne marcherait dans le jeu de personne. Désormais, ce serait lui le
manipulateur.
Très bien,
mais que pouvait-il faire ? Si Philip se querellait avec Waleran, Percy
aurait les terres : et si Philip ne faisait rien, ce serait Waleran le
bénéficiaire.
Quelle
était la volonté du roi ? Aider à reconstruire la cathédrale : geste
de roi dont son âme recevrait la récompense dans l’autre vie. Mais il lui
fallait aussi remercier Percy. Mais bizarrement, aucune pression particulière
ne s’exerçait sur le roi pour satisfaire les deux hommes plus puissants, les
deux évêques. L’idée vint à Philip d’une solution qui réglerait le problème du
roi en satisfaisant tout à la fois lui-même et Percy Hamleigh.
Idée
intéressante.
Et qui lui
plaisait.
Une
alliance entre lui et les Hamleigh surprendrait tout le monde – et pour cette
raison même, elle avait certaines chances de succès. Les évêques seraient
complètement pris au dépourvu.
Merveilleux
renversement de situation.
Mais
pouvait-il négocier un accord avec les avides Hamleigh ? Percy voulait les
terres riches du Wiltshire, le titre de comte, le pouvoir et le prestige d’une
force de chevaliers sous ses ordres. Philip aussi voulait les terres, mais ni
titre ni chevaliers : il s’intéressait avant tout à la carrière et à la
forêt.
La forme
d’un compromis commença à s’esquisser dans l’esprit de Philip. Tout n’était
peut-être pas encore perdu.
Qu’il
serait plaisant de gagner maintenant, après tout ce qui s’était passé.
Avec une
excitation croissante, il considéra la façon d’approcher les Hamleigh. Il
n’était pas question de venir les supplier. Il fallait séduire et convaincre.
Lorsqu’ils
atteignirent Winchester, le manteau de Philip était trempé de pluie, son cheval
de mauvaise humeur, mais il estimait avoir trouvé la réponse.
En passant
sous l’arche de la porte ouest, il se tourna vers William : « Allons
voir votre mère. »
William
s’étonna : « Je croyais que vous voudriez voir l’évêque Waleran tout
de suite. »
C’était
sans nul doute ce que Regan avait prédit à William. « Ne prenez pas la
peine de me dire ce que vous pensiez, mon garçon, répliqua Philip.
Conduisez-moi simplement à votre mère. » Il se sentait tout à fait prêt à
une confrontation avec lady Regan. Il avait été trop longtemps passif.
William se
dirigea vers le sud et conduisit Philip vers une maison de Gold Street, entre
le château et la cathédrale. C’était une large demeure avec des murs de pierre
jusqu’à hauteur de la taille et du bois ensuite. A l’intérieur, un hall
d’entrée desservait plusieurs appartements. C’était sans doute là que logeaient
les Hamleigh. De nombreux citoyens de Winchester louaient des chambres aux gens
qui fréquentaient la cour du roi. S’il devenait comte, il aurait son hôtel
particulier.
William
introduisit Philip dans une pièce donnant sur la rue, où il y avait un grand
lit et une cheminée. Regan était assise auprès du feu et Percy debout auprès
d’elle. Regan leva vers Philip un regard surpris, mais elle eut tôt fait de
retrouver son calme et dit : « Eh bien, moine… avais-je raison ?
— Vous
vous trompiez du tout au tout, femme stupide », répliqua sèchement Philip.
Son
autorité la fit taire.
Ravi de
voir l’effet que produisaient sur elle des méthodes qu’elle réservait aux
autres, il poursuivit sur le même ton : « Vous espériez une querelle
entre Waleran et moi. Vous vous imaginiez que je ne verrais pas vos
manigances ? Vous êtes une rusée renarde, mais pas la seule personne au
monde capable de réfléchir. »
Visiblement,
elle comprenait que son plan avait échoué et réfléchissait furieusement à ce
qu’elle allait faire maintenant. Philip poussa son avantage, profitant de la
surprise.
« Vous
avez perdu, Regan. Il vous reste deux solutions maintenant. L’une est de ne pas
bouger en espérant que tout va s’arranger et d’attendre la décision du roi. En
somme, de parier sur l’humeur qu’il aura demain matin. » Il marqua un
temps.
A
contrecœur, elle demanda : « Et l’autre solution ?
— L’autre
solution est que nous passions un accord, vous et moi. Nous partageons le comté
en deux, sans rien laisser à Waleran. Nous allons trouver le roi en privé pour
l’informer que nous sommes
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