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Les Piliers de la Terre

Les Piliers de la Terre

Titel: Les Piliers de la Terre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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un
bâtard ; c’était une riche marchande de laine, lui un apprenti sans le
sou. Pire encore : elle était connue pour le nombre de prétendants qu’elle
avait évincés. Tous les jeunes seigneurs du comté, les fils aînés de tous les
riches marchands étaient venus à Kingsbridge lui faire la cour, et tous étaient
repartis déçus. Comment Jack aurait-il eu la moindre chance, lui qui n’avait
rien à offrir que lui-même ?
    Aliena et
lui partageaient au moins une chose : ils aimaient la forêt. Ce goût les
mettait à part. Les gens préféraient en général les champs et les villages,
réputés plus sûrs. Mais Aliena allait souvent se promener dans les bois près de
Kingsbridge ; il existait même un endroit isolé où elle aimait s’arrêter
et s’asseoir. Jack l’y avait vue une ou deux fois. Elle ne l’avait pas
aperçu : il marchait sans bruit, comme il l’avait appris dans son enfance
lorsque la forêt devait le nourrir.
    Il se
dirigeait vers la clairière d’Aliena sans la moindre idée de ce qu’il ferait
s’il la trouvait. Il rêvait de s’allonger à côté d’elle et de caresser son
corps. Lui parler ? Mais que dirait-il ? Les filles de son âge, il
pouvait les taquiner. Par exemple, il avait agacé Edith tout un après-midi en
lui faisant croire que son frère racontait des horreurs sur son compte. Ann, il
l’avait abordée sans détours : « Aimerais-tu te promener avec moi
dans les bois ? » Mais, lorsqu’il essayait d’imaginer une façon
d’aborder Aliena, le vide se faisait dans son esprit. D’abord, pour lui, elle
appartenait à la génération précédente, si grave, si responsable. Elle ne
l’avait pas toujours été, il le savait : à dix-sept ans, elle aimait bien
s’amuser. Depuis, elle avait subi de terribles épreuves. Mais la jeune fille
gaie devait exister encore chez cette femme grave, ce qui, pour Jack, la
rendait plus fascinante.
    Il
arrivait près de l’endroit favori d’Aliena. Dans la chaleur du jour, la forêt
était silencieuse. Lui-même marchait sans bruit dans les buissons. Il voulait
devancer ses regards. Il n’était pas encore sûr d’avoir le courage de
l’aborder, il craignait une rebuffade. Le premier jour de son retour à
Kingsbridge, ce dimanche de Pentecôte où les volontaires s’étaient présentés
pour travailler à la cathédrale, il lui avait parlé sans trouver les mots qu’il
fallait. Depuis c’était à peine s’il lui avait adressé la parole en quatre ans.
Il ne voulait pas répéter cette erreur.
    Soudain,
en se penchant derrière le tronc d’un hêtre, il l’aperçut.
    Elle avait
choisi un endroit charmant. Une petite chute d’eau coulait dans une mare
profonde entourée de pierres couvertes de mousse. Le soleil brillait sur les
bords. A quelques pas en arrière, dans l’ombre des hêtres. Aliena était assise
et lisait un livre.
    Jack n’en
revenait pas. Une femme en train de lire ? En plein air ? Seuls les
moines lisaient, et encore seulement la messe ! Le livre d’Aliena avait un
aspect inhabituel, il était bien plus petit que les volumes de la bibliothèque
du prieuré ; on l’aurait cru spécialement conçu pour une femme. Sa
surprise l’emporta sur sa timidité. Il se fraya un chemin à travers les
buissons et déboucha dans sa clairière. « Qu’est-ce que vous
lisez ? » demanda-t-il sans s’annoncer.
    Aliena
sursauta et leva la tête vers lui. Il vit qu’il l’avait effrayée. Il comprit sa
maladresse : une fois encore il risquait de l’avoir froissée. Aliena porta
la main droite à sa manche gauche. Il se rappela qu’autrefois elle y
dissimulait un poignard. Mais alors elle le reconnut et sa peur disparut aussi
rapidement qu’elle avait surgi. Elle parut soulagée puis – pour le désespoir de
Jack – légèrement agacée. Il se sentit comme un intrus et faillit tourner les
talons pour replonger dans la forêt. Mais, craignant de ne pas retrouver
l’occasion de lui parler, il affronta son regard distant et murmura :
« Je suis désolé de vous avoir effrayée.
    — Tu
ne m’as pas effrayée », répondit-elle vivement.
    Il savait
qu’elle disait faux, mais il ne voulut pas insister. Il répéta sa question :
« Qu’est-ce que vous lisez ? »
    Elle jeta
un coup d’œil au volume relié posé sur son genou et son expression changea. Une
sorte de mélancolie passa sur son visage. « Mon père a trouvé ce livre
lors de son dernier voyage en Normandie. Il me l’a

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