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Les Piliers de la Terre

Les Piliers de la Terre

Titel: Les Piliers de la Terre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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la beauté. Il avait
le goût des choses folles et désordonnées : les hautes montagnes, les
vieux chênes et la chevelure d’Aliena.
    Il dévora
avidement son dîner, puis quitta le village en direction du nord. En ce début
d’été, la journée était chaude, il marchait pieds nus. Depuis que sa mère et
lui étaient venus s’installer définitivement à Kingsbridge et qu’il avait
commencé à travailler, il retournait de temps en temps dans la forêt. Il aimait
dépenser son énergie, courir et sauter, grimper aux arbres et abattre des canards
avec sa fronde. Il fallait qu’il s’habitue à ce nouveau corps, plus grand et
plus fort, qui était le sien maintenant. Quand il était fatigué, il se
promenait en pensant à différentes questions : pourquoi la proportion
était l’essence de la beauté, comment les bâtiments tenaient debout et à quoi
ressemblait le corps d’Aliena.
    Depuis des
années, il l’adorait de loin. L’image qu’il gardait d’elle, c’était la première
qu’il avait vue, lorsqu’elle descendait l’escalier qui menait à la grande salle
d’Earlscastle. A ce moment-là, il avait vu en elle une princesse de conte. Elle
était restée depuis une figure lointaine. Elle parlait au prieur Philip, à Tom
le bâtisseur, à Malachi le Juif et aux autres riches et puissants de
Kingsbridge. Jack n’avait jamais eu l’occasion de lui adresser la parole. Il se
contentait de la regarder en train de prier à l’église, montant son palefroi ou
assise au soleil devant sa maison, vêtue de coûteuses fourrures en hiver, de la
toile la plus fine en été, ses cheveux défaits encadrant son beau visage. Avant
de s’endormir, il pensait à ce que serait son corps sans vêtements. Il
l’imaginait nue et l’embrassait tendrement sur la bouche.
    Depuis
quelques semaines, il souffrait de ses rêveries sans espoir. Il ne lui
suffisait plus de voir Aliena de loin, de surprendre ses conversations avec
d’autres et d’imaginer des caresses qu’il ne faisait jamais. Il avait besoin de
réalité.
    Plusieurs
filles de son âge auraient pu répondre à ses désirs. Les apprentis discutaient
souvent entre eux des filles, faisaient mille suppositions sur les chances
qu’ils pourraient avoir avec l’une ou l’autre. En fait, la plupart des jeunes
filles entendaient rester vierges jusqu’à leur mariage, comme le voulait
l’Église. N’empêche qu’on pouvait faire certaines choses sans danger, c’était
du moins ce que prétendaient les apprentis. De leur côté, les filles trouvaient
Jack un peu étrange – elles avaient sans doute raison, estimait-il – mais une
ou deux parmi elles aimaient cette étrangeté séduisante.
    Un
dimanche, après l’église, il avait engagé la conversation avec Edith, la sœur
d’un camarade apprenti ; mais quand il lui avait parlé de son bonheur à
sculpter la pierre, elle s’était mise à pouffer. Le dimanche suivant, il était
allé se promener dans les champs avec Ann, la blonde fille du tailleur. Ils
n’avaient pas beaucoup parlé, mais il l’avait embrassée, puis ils s’étaient
allongés dans un champ d’orge vert. Il l’avait caressée, elle lui avait rendu
ses baisers avec enthousiasme. Puis, soudain, elle s’était écartée et lui avait
dit : « La fille à qui tu penses, qui est-ce ? » Stupéfait,
Jack avait pris conscience qu’en effet, à cet instant précis, il pensait à
Aliena. Il avait essayé de détourner la conversation, mais Ann avait
insisté : « Je ne sais pas qui c’est, mais elle a de la
chance. » Ils étaient rentrés ensemble à Kingsbridge puis à nouveau, avant
de se séparer, Ann avait ajouté : « Ne cherche pas à l’oublier, tu
perdrais ton temps. C’est d’elle que tu as envie, alors tente ta chance. »
Elle lui avait souri tendrement en disant : « Tu es mignon. Ce ne
sera peut-être pas aussi difficile que tu le penses. »
    Tant de
gentillesse avait éveillé ses remords, d’autant plus que c’était une des filles
qui plaisaient le plus aux apprentis. Leurs conversations, leurs plaisanteries
sur le sujet lui semblaient maintenant si puériles qu’il en était gêné. Quant à
la femme à laquelle il pensait, s’il avait révélé son nom à Ann, celle-ci
n’aurait peut-être pas été aussi encourageante. Jack et Aliena formaient le
couple le plus invraisemblable que l’on pût concevoir. Aliena avait vingt-deux
ans, lui dix-sept ; c’était la fille d’un comte, lui était

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