Les Piliers de la Terre
Martha.
— Il
est parfait, dit Tom, soulagé. Un parfait petit garçon. »
Le bébé
ouvrit la bouche et poussa un cri.
Tom
regarda Agnès qui lui souriait. Tous deux sourirent.
Tom tenait
le petit bébé tout contre sa poitrine. « Martha, va me chercher un bol
d’eau dans cette marmite. » Elle se précipita. « Où sont ces
chiffons, Agnès ? » Agnès désigna le sac de toile posé sur le sol
auprès de son épaule. Alfred le passa à Tom. Le visage du jeune garçon
ruisselait de larmes. C’était la première fois qu’il voyait naître un enfant.
Tom
plongea un chiffon dans un bol d’eau tiède et lava doucement le sang et les
mucosités qui souillaient le visage du bébé. Agnès déboutonna le haut de sa
tunique et Tom déposa le bébé dans ses bras. Il criait toujours. Bientôt, le
cordon bleuté qui allait du ventre du bébé à l’entrejambe d’Agnès cessa de
battre et se ratatina en blanchissant.
Tom dit à
Martha : « Donne-moi ces cordes que tu as faites. Tu vas voir
maintenant à quoi elles servent. »
Elle lui
passa les deux longueurs de roseaux tressés. Il les attacha en deux endroits
autour du cordon ombilical en serrant bien les nœuds. Puis il se servit de son
couteau pour couper le cordon entre les nœuds.
Il
s’accroupit. Ils y étaient arrivés. Le pire était passé et le bébé allait bien.
Tom se sentait fier.
Agnès
déplaça le bébé pour qu’il eût le visage contre son sein. La petite bouche
trouva le bouton de sein tout congestionné, il cessa de pleurer et se mit à
téter.
Martha dit
d’une voix étonnée : « Comment sait-il qu’il doit faire ça ?
— C’est
un mystère, dit Tom, en lui tendant l’écuelle. Donne à ta mère de l’eau fraîche
à boire.
— Oh
oui », dit Agnès avec gratitude, comme si elle venait de se rendre compte
qu’elle avait terriblement soif. Martha apporta l’eau et Agnès but d’une
traite. « C’était bon, dit-elle. Merci. »
Elle
regarda l’enfant qui tétait, puis Tom. « Tu es un homme bon, dit-elle
doucement. Je t’aime. »
Tom se
sentit les larmes lui venir aux yeux. Il lui sourit, puis baissa la tête. Il
vit qu’elle saignait encore beaucoup. Le cordon ombilical ratatiné gisait dans
une mare de sang sur le manteau de Tom entre les jambes d’Agnès.
Il releva
les yeux. Le bébé avait cessé de téter et s’était endormi. Agnès l’enveloppa
dans son manteau, puis ferma à son tour les yeux.
Au bout
d’un moment, Martha dit à Tom : « Tu attends quelque chose ?
— La
délivre, lui dit Tom.
— Qu’est-ce
que c’est ?
— Tu
vas voir. »
La mère et
le bébé sommeillèrent un moment, puis Agnès rouvrit les yeux. Ses muscles se
tendirent, l’ouverture se dilata un peu et la délivre émergea. Tom la prit dans
ses mains et l’examina. En regardant plus attentivement, il vit qu’elle
semblait déchirée, comme s’il manquait un morceau. Mais il n’avait jamais
regardé d’aussi près une délivre et il pensa que c’était toujours comme ça. Il
la lança au feu. Cela brûla avec une odeur désagréable, mais s’il l’avait
jetée, cela aurait pu attirer les renards ou même un loup.
Agnès
saignait toujours. Tom se souvint qu’il y avait toujours un flux de sang après
la délivre, mais il ne se rappelait pas qu’il y en eût autant.
« Tu
saignes encore un peu, dit-il à Agnès, en essayant de dissimuler son
inquiétude.
— Ça
va bientôt s’arrêter, dit-elle. Couvre-moi. »
Tom
boutonna la jupe de sa robe, puis enveloppa le manteau autour de ses jambes.
« Je
peux me reposer maintenant ? » demanda Alfred.
Il était
toujours agenouillé derrière Agnès pour la soutenir. Il doit être engourdi,
pensa Tom, d’être resté si longtemps dans la même position. « Je vais te
remplacer », dit son père. Agnès serait plus à l’aise si elle pouvait
s’asseoir un peu ; et puis un corps derrière elle lui tiendrait chaud au
dos et la protégerait du vent. Il changea de place avec Alfred. Puis il entoura
de ses bras Agnès et le bébé.
« Comment
te sens-tu ? lui demanda-t-il.
— Simplement
fatiguée. »
Le bébé se
mit à pleurer. Agnès le replaça sur son sein. Il se mit à téter et elle parut
s’endormir.
Tom était
mal à l’aise. C’était normal d’être fatiguée, mais il y avait chez Agnès une
léthargie qui le tracassait. Elle était trop affaiblie.
Le bébé
s’endormit et au bout d’un moment les deux autres
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