Les Piliers de la Terre
vide et sans émotion : son visage ovale était
encadré d’une somptueuse chevelure sombre et son manteau lui dissimulait les
pieds, si bien qu’elle aurait pu glisser sur les feuilles mortes. Elle s’arrêta
devant lui et ses yeux d’or pâle parurent voir dans son âme : comprendre sa
souffrance. Tom eut l’impression d’avoir déjà vu ce visage familier dans une
église tout récemment. Puis la créature ouvrit son manteau. Dessous, elle était
nue. Elle avait le corps d’une femme d’une vingtaine d’années, avec une peau
pâle et des boutons de seins rosés. Tom croyait depuis toujours que les anges
avaient un corps absolument glabre, mais ce n’était pas le cas.
Elle mit
un genou en terre devant lui et, se penchant, elle l’embrassa sur la bouche. Il
était trop assommé par les chocs précédents pour en éprouver le moindre
étonnement. Elle le repoussa doucement pour l’obliger à s’allonger sur le dos,
puis elle écarta son manteau, et pressa son corps nu contre celui de Tom. Au
travers de sa camisole, il sentait la chaleur de sa peau. Au bout de quelques instants,
il cessa de frissonner.
Elle prit
dans ses mains le visage barbu de Tom et l’embrassa encore, avidement, comme
quelqu’un qui boit de l’eau fraîche après une longue journée sèche. Puis elle
prit les mains de Tom et les posa sur ses seins. Dans un réflexe, il les
pressa. Ils étaient doux et tendres, les boutons se durcirent sous ses doigts.
L’idée lui
vint qu’il était mort. Le ciel n’était probablement pas ainsi, il le savait
mais peu lui importait. Cela faisait des heures qu’il avait perdu tout sens de
la réalité. Le peu de raisonnement qu’il lui restait avait disparu et il laissa
ses sens prendre le dessus. Il se tendit, se pressant contre cet autre corps,
puisant de la force dans sa chaleur et sa nudité. Elle écarta les lèvres et
darda une langue agile dans sa bouche, cherchant sa langue à lui. Il réagit
ardemment.
Un
instant, elle s’écarta de lui. Il la regarda, abasourdi, remonter les pans de
sa camisole jusqu’à la hauteur de sa taille, puis elle le chevaucha. Sans le
quitter des yeux, elle se pencha vers lui, et il hésita ; puis il se
sentit la pénétrer. Une sensation si grisante qu’il crut éclater de plaisir.
Elle bougea les hanches tout en lui souriant, couvrant son visage de baisers.
Au bout d’un moment elle ferma les yeux et se mit à haleter, et il comprit avec
une fascination ravie qu’elle perdait tout contrôle. Elle poussait des petits
cris, remuait de plus en plus vite, et son extase l’émut jusqu’au plus profond
de l’âme si bien qu’il ne sut plus s’il avait envie de pleurer de désespoir, de
crier de joie ou d’éclater de rire. Puis une explosion de plaisir les secoua
tous les deux comme des arbres dans la tempête, encore et encore ;
jusqu’au moment où enfin leur passion s’apaisa et où elle s’effondra sur sa
poitrine.
Ils
restèrent ainsi un long moment. La chaleur de ce corps le réchauffait. Il
sombra dans une sorte de somnolence. Ce fut bref, plus une rêverie qu’un
véritable sommeil. Mais quand il ouvrit les yeux son esprit était clair.
Il regarda
la belle jeune femme allongée sur lui et il sut aussitôt que ce n’était pas un
ange, mais Ellen, la femme hors-la-loi qu’il avait rencontrée dans cette partie
de la forêt le jour où on lui avait volé le cochon. Elle le sentit remuer et
elle ouvrit les yeux, le regardant avec un mélange d’affection et d’inquiétude.
Il pensa soudain à ses enfants. Il la repoussa avec douceur et s’assit. Alfred
et Martha étaient allongés sur les feuilles, enroulés dans leur manteau, le
soleil éclairant leurs visages endormis. Les événements de la nuit lui
revinrent dans un déferlement d’horreur et il se rappela qu’Agnès était morte
et que le bébé – son fils ! – avait disparu ; il enfouit son visage
dans ses mains.
Il
entendit Ellen émettre un étrange sifflement. Il leva la tête. Une silhouette
émergea de la forêt et Tom reconnut Jack, son fils à l’air bizarre, avec sa
peau toute blanche, ses cheveux orange et ses yeux verts d’oiseau. Tom se
releva et Ellen se redressa aussi en se drapant dans son manteau. Le jeune
garçon portait quelque chose qu’il apporta pour le montrer à Tom. Celui-ci
reconnut aussitôt la moitié de manteau dans laquelle il avait enveloppé le bébé
avant de le déposer sur la tombe d’Agnès.
Sans
comprendre, Tom dévisagea
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