Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Piliers de la Terre

Les Piliers de la Terre

Titel: Les Piliers de la Terre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
Vom Netzwerk:
de maman comme j’ai fermé ceux de papa, pour qu’elle puisse dormir.
    — Ils
dorment ? demanda Francis.
    — Non,
mais c’est la même chose, déclara Philip d’un ton autoritaire, alors il faut
leur fermer les yeux.
    — Très
bien », dit Francis. Et, sans hésitation, il tendit une main potelée et
ferma avec soin les yeux de sa mère.
    L’abbé
alors prit un enfant sous chaque bras. Sans un regard aux hommes d’armes, il
les emmena et remonta avec eux le long du sentier raide qui montait au
sanctuaire du monastère.
    Il leur
fit donner à manger à la cuisine ; puis, pour ne pas les laisser en proie
à leurs pensées, il leur demanda d’aider le cuisinier à préparer le souper des
moines. Le lendemain, il les emmena voir les corps de leurs parents, lavés et
habillés, les blessures en partie dissimulées, allongés dans des cercueils côte
à côte dans la nef de l’église, avec d’autres membres de leur famille, car tous
les villageois n’avaient pas réussi à gagner le monastère à temps pour échapper
aux envahisseurs. Ils assistèrent à l’enterrement avec l’abbé qui les obligea à
regarder les deux cercueils que l’on descendait dans l’unique tombe. Philip
éclata en sanglots, et Francis en fit autant. Quelqu’un voulut les faire taire,
mais l’abbé Peter dit : « Laissez-les pleurer. » Ce ne fut
qu’après, quand ils eurent bien compris que leurs parents avaient vraiment
disparu pour ne jamais revenir, que le prêtre leur parla enfin de l’avenir.
    De toute
leur parenté, aucune famille n’était indemne : dans tous les cas, soit le
père, soit la mère avaient été tués. Il ne restait personne pour s’occuper des
garçons. Ce qui réduisait le choix à deux solutions. On pouvait donner les deux
frères et même les vendre à un fermier qui les utiliserait comme main-d’œuvre
jusqu’à ce qu’ils soient assez grands pour s’enfuir. Ou bien on pouvait les
donner à Dieu.
    On voyait
souvent de jeunes garçons entrer au monastère. L’âge habituel se situait aux
environs de onze ans, cinq ans étant la limite inférieure, car les moines
n’étaient pas équipés pour s’occuper de bébés. Parfois les garçons étaient des
orphelins, parfois leurs parents avaient trop de fils. D’ordinaire la famille faisait
en même temps au monastère un don substantiel : une ferme, une église,
voire tout un village. Dans les cas de très grande pauvreté, elle pouvait en
être dispensée. Mais le père de Philip et Francis avait laissé une modeste
ferme dans les collines, aussi leur cas ne relevait-il pas de la charité pure.
L’abbé Peter proposa que le monastère se chargeât des garçons et de la ferme.
Les cousins survivants acquiescèrent.
    L’abbé
avait l’expérience du chagrin, mais malgré toute sa sagesse il n’était pas
préparé à ce qui arriva à Philip. Au bout d’un an ou deux, quand la peine eut
semblé s’effacer et que les deux garçons se furent installés dans la vie du
monastère, Philip tomba en proie à une sorte de rage implacable. La vie dans la
communauté de la colline n’était pas pénible au point de justifier sa
colère : il était nourri, vêtu, il y avait du feu dans le dortoir en hiver
et même un peu de tendresse et d’affection ; la stricte discipline et les
rituels monotones donnaient au moins un sentiment d’ordre et de stabilité ;
mais Philip se mit à se comporter comme si on l’avait injustement emprisonné.
Il désobéissait aux ordres, se rebellait à la moindre occasion, volait de la
nourriture, cassait des œufs, lâchait les chevaux, raillait les infirmes et
insultait ses aînés. Le seul crime qu’il ne commettait pas, c’était le
sacrilège et, pour cette raison, l’abbé lui pardonnait tout. Et puis la crise
passa. Un beau jour de Noël, en repensant aux douze derniers mois, Philip
s’aperçut que de toute l’année il n’avait pas passé une seule nuit au cachot.
    Son retour
à la normalité était dû à plusieurs raisons. Le fait qu’il s’intéressât à ses
leçons l’aida sans doute. La théorie mathématique de la musique le fascinait et
même la conjugaison des verbes latins obéissait à une certaine logique
satisfaisante pour l’esprit. On lui avait confié la tâche d’aider le cellérier,
le moine qui s’occupait de toutes les fournitures dont le monastère avait
besoin, des sandales aux semences ; et cela aussi l’intéressait. Il
portait un véritable culte à frère

Weitere Kostenlose Bücher