Les Piliers de la Terre
pas traiter ta sœur d’un nom pareil », dit-il.
Richard se
débattit en poussant des cris. « Vous me faites mal…
lâchez-moi ! »
William le
serra encore un moment. Richard cessa de résister et éclata en sanglots.
William alors laissa partir l’enfant qui s’enfuit.
Aliena
dévisageait William. Elle avait oublié son jeu, un pli étonné barrait son
front. « Pourquoi êtes-vous ici ? » dit-elle. Elle avait une
voix basse et calme. La voix d’une personne plus âgée.
William
s’assit sur le banc, assez content de la façon dont il avait agi avec Richard.
« Je suis venu vous voir », dit-il.
Elle prit
un air méfiant. « Pourquoi ? »
William
s’installa de façon à pouvoir surveiller l’escalier. Il aperçut, descendant
dans la salle, un homme d’une quarantaine d’années vêtu comme un serviteur
important, avec une calotte ronde et une courte tunique de beau drap. Le
domestique fit signe à quelqu’un, et un chevalier et un homme d’armes montèrent
ensemble l’escalier. William se tourna de nouveau vers Aliena.
« Je
voudrais vous parler.
— De
quoi ?
— De
vous et de moi. » Par-dessus l’épaule de la jeune fille, il vit le
serviteur qui approchait. Il avait une démarche un peu efféminée. Dans une main
il tenait un pain de sucre de couleur brune. Dans l’autre main, une racine
tordue qui ressemblait à du gingembre. Ce devait être l’intendant et il
revenait du coffre à épices, un placard fermé à clé dans la chambre du comte où
il était allé prélever ce qu’il fallait de précieux ingrédients pour les
besoins de la journée, qu’il portait maintenant au cuisinier : du sucre
pour adoucir la tarte aux pommes sauvages, peut-être, et du gingembre pour parfumer
les lamproies.
Aliena
suivit le regard de William. « Oh ! Bonjour, Matthew. »
L’intendant
sourit et lui offrit du sucre. William eut l’impression que Matthew était très
attaché à Aliena. Quelque chose dans l’attitude de celle-ci avait dû lui
montrer qu’elle était mal à l’aise, car son sourire céda vite la place à un air
soucieux et il dit : « Tout va bien ? » Il avait la voix
très douce.
« Oui,
merci. » Matthew regarda William et son visage exprima la surprise.
« C’est le jeune William Hamleigh, n’est-ce pas ? »
William
fut gêné d’être reconnu. « Garde ton sucre pour les enfants, dit-il, bien
qu’on ne lui en eût pas offert. Je n’aime pas ça.
— Très
bien, monseigneur. » Le regard de Matthew laissait entendre qu’il n’était
pas arrivé à la position qu’il occupait aujourd’hui en faisant des histoires
aux fils des gentilshommes. Il se tourna vers Aliena : « Votre père a
rapporté de la soie d’une merveilleuse douceur… Je vous la montrerai plus tard.
— Merci »,
fit-elle. Matthew s’éloigna.
« Imbécile
efféminé, dit William.
— Pourquoi
avez-vous été si grossier avec lui ? dit Aliena.
— Je
ne permets pas aux domestiques de m’appeler « jeune
William » ! »
William se
rendit compte, le cœur serré, qu’il avait pris un mauvais départ. Il devait se
montrer charmant. Il sourit et déclara : « Si vous étiez mon épouse,
mes serviteurs vous appelleraient lady.
— Êtes-vous
venu ici pour parler mariage ? » répliqua Aliena, et William crut
déceler dans sa voix une note d’incrédulité.
« Vous
ne me connaissez pas », protesta William. Il s’aperçut avec consternation
qu’il n’arrivait pas à contrôler cette conversation. Il avait prévu d’échanger
quelques aimables banalités avant d’en arriver aux faits, mais Aliena était si
directe et candide qu’il fut obligé de parler. « Vous m’avez mal jugé. Je
ne sais pas ce que j’ai fait, lors de notre dernière rencontre, pour me rendre
antipathique à vos yeux ; mais, quelles qu’aient été vos raisons, vous
m’avez condamné avec trop de hâte. »
Elle
détourna les yeux, réfléchissant à sa réponse. Derrière elle, William vit le
chevalier et l’homme d’armes redescendre l’escalier et sortir, l’air préoccupé.
Un moment plus tard, un homme en tenue ecclésiastique – sans doute le
secrétaire du comte – apparut en haut des marches et fit un signe. Deux chevaliers
se levèrent et montèrent l’escalier : Ralph de Lyme et un homme plus âgé
au crâne chauve. De toute évidence, les hommes qui attendaient dans la salle
voyaient le comte dans sa chambre par groupes de deux ou
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