Les Poilus (La France sacrifiée)
par plébiscite en 1935 seulement.
En réoccupant militairement la Rhénanie en mars 1936, Hitler pouvait se donner à peu de frais l’allure d’un vengeur. Le dommage était déjà réparé. Quant au réarmement allemand, il était clandestinement en cours depuis longtemps, au point que la SDN avait accepté l’entrée de l’Allemagne, en même temps que de l’URSS, dans la commission internationale pour le désarmement en 1926.
Le premier principe adopté était celui de l’égalité des droits : il devenait aussitôt la plate-forme de la revendication allemande. Qui pouvait contrôler l’état du réarmement déjà entrepris par l’industrie? En 1927, la Commission interalliée de contrôle cessait son activité avant d’être supprimée. En septembre 1929, Stresemann avait pu dire, avant de mourir : « Wir sind wieder Herr in Hause » (nous sommes de nouveau maîtres chez nous). En 1930, les Alliés avaient évacué définitivement la zone de Cologne, puis, en juin, l’ensemble de la Rhénanie.
À l’évidence, le traité de Versailles n’avait pas été un obstacle au redressement de l’Allemagne, du fait du soutien jamais défaillant des gouvernements de Londres et de Washington à celui de Berlin contre « l’impérialisme français » en Europe. Depuis les accords Stresemann-Briand, les problèmes posés, qui avaient fortement indigné l’opinion allemande, étaient en voie de solution, sauf celui de l’égalité des droits, laquelle serait à son tour reconnue à l’Allemagne en 1932, avant l’arrivée de Hitler au pouvoir. Il ne pourrait donc plus guère utiliser la propagande contre Versailles que pour accélérer et officialiser le réarmement, et pour entreprendre une politique de force à l’est. Il lui resterait seulement en mars 1935 à déclarer son intention de rétablir en Allemagne le service militaire obligatoire et de reconstituer une force de trente-six divisions.
Bien avant l’arrivée de Hitler à la Chancellerie, les futures bases de l’économie de guerre étaient en place. L’industrie attendait l’ouverture politique permettant de lancer sur une grande échelle, le moment venu, l’économie allemande de réarmement et dans l’immédiat un programme ambitieux et rémunérateur de production d’armes déjà fort prometteur depuis l’ouverture d’un vaste marché en Extrême-Orient, après l’invasion de la Mandchourie par les Japonais en 1931.
Dès 1928, Stresemann lui-même, appuyé par le socialiste Hermann Muller, demandait la récupération de la Sarre, l’Anschluss avec l’Autriche, le droit pour les minorités allemandes d’Europe comme les Sudètes de Tchécoslovaquie de disposer d’elles-mêmes, l’égalité absolue des droits de réarmement pour le Reich : à la lettre près, le futur programme de Hitler.
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Stresemann avait ainsi réglé, au cours de sa longue carrière ministérielle, de 1923 à 1929, tous les différends avec l’Ouest, au risque de passer aux yeux des nazis pour un traître pacifiste. Ce luthérien parfaitement proche d’un autre luthérien de la grande réforme allemande des années 20, von Seeckt, et de l’Américano-Schleswigois Horace Greeley Hajmar Schacht était à la fois un libéral partisan de l’ouverture commerciale à l’ouest et un romantique allemand de la tradition nationale regrettant la disparition du grand Reich. Il expliquait à Poincaré, en 1928, que l’Anschluss n’était pas pour lui une revendication impérialiste. Aux yeux de tous les Allemands dénationalisés, robotisés, américanisés par la rationalisation, le retour au germanisme autrichien du vieil Empire était, assurait-il, une bouffée d’oxygène [2] .
Il n’avait pas cessé de travailler à l’avenir radieux du Reich. Lecteur de Frédéric Naumann en 1907, il croyait à un modèle allemand de socialisme national, et il avait adhéré au parti national-libéral et soutenu l’entrée en guerre du Reich dans l’esprit d’une défense du germanisme en Europe. Il soutiendrait les thèses de Naumann sur la Mitteleuropa et, plus tard, sans hésitation, les plans annexionnistes de Ludendorff.
Il avait rejoint en 1918 le parti populiste des industriels et des hommes d’affaires. Opposé à la ratification du traité de Versailles, il s’était converti après 1921 à une fructueuse politique d’entente avec les Anglo-Saxons, et par voie de conséquence avec la France, pour rétablir le crédit de l’Allemagne à
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