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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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Hitlerjugend.
    Comment expliquer la réussite d’une mobilisation d’une telle ampleur sans les concours publics ou privés dont bénéficiait de plus en plus, avec le succès, le mouvement hitlérien ? Les milieux d’affaires souffraient de l’impuissance politique des derniers cabinets de la République de Weimar. Ils avaient longtemps soutenu médiocrement le parti nazi de leurs gratifications électorales, beaucoup moins que d’autres formations favorables à leurs intérêts. Ils avaient été longtemps sceptiques sur les chances de succès du caporal candidat. Ils gardaient leur puissance intacte, ayant moins souffert des mesures de déflation d’après-crise que les classes moyennes et le prolétariat. Plus l’État intervenait dans l’économie, plus ils devaient s’insérer dans ses structures, imposer une politique intérieure et extérieure conforme à leurs besoins.
    Ils avaient parfaitement compris l’utilité des manifestations de rues pour obtenir l’annulation du plan Young et la fin des réparations, ainsi que les vertus de l’agitation nazie dans la Sarre pour contrer les ambitions françaises. Ce secours inattendu des SA aidait puissamment l’industriel sarrois Röchling, qui souhaitait le rattachement au Reich. La campagne nazie et nationaliste pour la Gleichberechtigung (égalité des droits) faisait l’affaire des responsables de l’industrie, car elle annonçait la reprise massive des commandes d’armements. On découvrait même que l’on pouvait employer les formations paramilitaires pour appuyer la politique allemande de récupération des territoires de l’Est. La crise polonaise sur Dantzig de 1932 avait alerté l’opinion, puissamment secouée par les mots d’ordre nazis.
    Les industriels étaient prêts à soutenir une politique plus hardie, un pouvoir renforcé, mais hésitaient encore à jouer la carte nazie. Le plus grand intérêt, à leurs yeux, des formations paramilitaires était de lutter quotidiennement contre les communistes et d’intimider la social-démocratie. L’interdiction de la Rote Fahne et la dissolution du Rotkämpferbund à la suite de l’émeute communiste à Berlin le 1 er mai 1929 n’avaient pas réduit à l’impuissance le parti d’extrême gauche. Il revenait, plus agressif que jamais, jusqu’à faire élire 77 députés aux élections du 14 septembre 1930, contre 107 nazis.
    Les patrons allemands et les officiers de la Reichswehr ont-ils cru à la possibilité de sauver la République de Weimar par le recours à un régime présidentiel confié à Hindenburg ? Le vieux président avait maintenu au pouvoir Brüning, le financier du Centre catholique, sans qu’il eût de majorité au Parlement. Il était entendu qu’il gouvernerait par décrets-lois. Les partis traditionnels avaient été désavoués par leurs électeurs, sauf le Centre catholique qui avait la charge de défendre la démocratie.
    Les industriels allemands groupés dans la Reichsverband der deutschen Industrie obtenaient en octobre 1931 la démission de Brüning, dont la politique déflationniste nuisait aux affaires, et portaient l’un des leurs, Warmbold, de l’IG Farben, au portefeuille de l’Économie du nouveau cabinet Brüning qui, sur ordre de Hindenburg, se succédait à lui-même. Un patron de presse d’extrême droite, Hugenberg, d’origine juive et ancien président du conseil d’administration de Krupp, constituait alors contre Brüning le « front de Harzburg » qui réunissait SA et Stahlhelm, les agrariens, les industriels comme Thyssen, Poennsgen, Blohm et l’économiste Schacht. Le ministre de l’Armée et de l’Intérieur Groener tentait de lutter contre la subversion. Hindenburg, candidat en mars-avril 1932 à sa propre succession, l’emportait contre Hitler, mais ce dernier rassemblait plus de 13 millions de voix en Allemagne.
    Il se sentait alors assez fort pour ne pas protester contre la dissolution des SA, rassuré par ses succès dans les élections partielles des Länder. Brüning, lâché par la grande industrie, était combattu par les agrariens, bousculé par le maître de la Reichswehr, le général von Schleicher, appelé au ministère en mai 1932 dans un cabinet von Papen. Cet élégant diplomate du parti du Centre n’avait pas plus de majorité que son prédécesseur. Il brûlait de se concilier les nazis vainqueurs aux élections de Prusse à qui il concédait le rétablissement des SA et les pleins pouvoirs à Berlin, où

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