Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
Vom Netzwerk:
l’unité nancéienne à son entrée en guerre. Le 9 avril, le régiment a tenu la côte 304, mais il a perdu 880 hommes et 20 officiers. Relevé le 20 avril, il est resté trois semaines en ligne : une sorte de record pour Verdun.
    Morts en masse, les fantassins de Melun (231 e ) et de Fontainebleau (246 e ) de la 39 e division, hâtivement remplacés par les soldats du 201 e de Cambrai. La 43 e division qui entre alors en ligne disparaît aussitôt corps et biens. Son général, Boissoudy, est affecté à une autre unité parce qu’il n’a plus de soldats à envoyer au feu. Pétain dépêche la 42 e , parce que la 39 e , en deux jours, est exterminée. Le 149 e d’Épinal est toujours dans le village de Vaux. Il tient les ruines avec la moitié de son effectif.
    Les poilus deviennent fous. Le 21 e bataillon de chasseurs, mal commandé, est décimé en pure perte sous Douaumont. Le sacrifice inutile est insupportable. « Tâchons de vendre chèrement notre peau », dit un capitaine à ses hommes, près de la ferme de Ducourt : « Vous savez que nous sommes sacrifiés. » Le moral devient instable, pousse aux excès de découragement ou de folle bravoure. Pendant la défense du fort de Vaux, les jeunes de l’active partagent avec les territoriaux des crises d’hystérie quand les attaques sont repoussées. « Le plus ardent et le plus sanguinaire de mes hommes, dit un lieutenant de la territoriale, était un placide chemisier d’Angers. Il visait avec calme et poussait un cri de joie quand un des assaillants tombait. » Le corps à corps prolongé développe une sorte d’ivresse non contrôlée qui conduit aux pires excès. Pas de quartier, dans l’eau de ruissellement mêlée d’urine et de merde des souterrains de Vaux. On s’y empoigne sauvagement.
    Ailleurs, au bois de Malaucourt, la troupe découragée flanche. À la 29 e division, les Allemands font deux mille cinq cents prisonniers des régiments d’Avignon et d’Antibes. Pour la première fois, à Verdun, une unité s’est rendue sans combattre, dans les positions ravagées du Mort-Homme. Le colonel Brümm ne répond pas. Il est parti en captivité avec vingt compagnies. Les Allemands occupent son PC. Une enquête est ouverte sur la défaillance, celle du 258 e d’Avignon à Avocourt. Vingt et un hommes, dont un sergent, ont abandonné l’unité au moment d’entrer en ligne. Des sanctions dures frappent les hommes. Elles sont injustes. On ne peut frapper les morts, ni ceux qui se sont rendus. Et les officiers ? Le témoignage des territoriaux est formel : aucune résistance sérieuse n’a été opposée à l’ennemi. Premier exemple spectaculaire d’un refus de monter en ligne.
    Sans doute les soldats avaient-ils des raisons de refuser la mort programmée. Le 14 mars, ceux du Mort-Homme avaient reçu cinquante mille obus en six heures. « Vous êtes dans une mission de sacrifice », disait un officier aux soldats du 151 e , régiment formé en 1914 à Saint-Quentin renforcé de réservistes de Verdun. « Le jour où ils viendront, ils vous massacreront jusqu’au dernier et c’est votre devoir de tomber. » Un discours à des condamnés à mort qui laissait les hommes dans un état « d’isolement et d’hébétude [66]  », dormant dans des boyaux dont l’axe n’était pas calculé en fonction des tirs de l’ennemi, et qui prenaient les rafales en enfilade. Rares étaient les colonels qui faisaient creuser à bon escient des tranchées à contre-pente. Pourtant ceux du 258 e régiment d’Avignon, à l’aile gauche de l’armée, dans le secteur d’Avaucourt, disposaient de belles tranchées comme il n’en existait nulle part ailleurs. Qu’avaient-ils à se plaindre ? Pétain disait que ces hommes avaient « mauvais esprit ». On estimait prudemment à l’état-major qu’ils avaient perdu la tête, pour ne pas les présenter comme des mutins et donner ainsi un exemple fâcheux à l’infanterie. Cinq cents hommes s’étaient rendus dans cette partie du front. Le moral était-il gravement compromis ? On s’inquiétait aussi des mouvements de fraternisation possibles au Mort-Homme, où les corvées françaises de soupe tombaient souvent sur des postes allemands, où les prisonniers des deux camps étaient traités en frères d’armes.
    Comment réduire ce mouvement de panique qui condamnait le système Joffre de résistance sur le terrain de Verdun par les seules unités d’infanterie ? Le 111 e

Weitere Kostenlose Bücher