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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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en rampant. Les sections de mitrailleuse entassent tous les débris possibles pour s’abriter.
    Les survivants ont à peine mangé la soupe froide du matin que l’ennemi se présente. Les Français lui montrent le poing, « leur fièvre s’exaspère en rage », dit Péricard. Les hommes attaquent en liaison avec les Marocains. Quand le colonel propose de garder la position jusqu’à la nuit, malgré les pertes subies, pas un murmure dans les rangs. Les poilus savent bien qu’ils n’échapperont pas à la mort en gagnant l’arrière, que le plus sûr est de tenir sur place. Quand la première phase de la bataille s’achève, on compte plus de seize mille disparus pour trois divisions, avalés par le sol, éclatés par les obus.
    Quand Pétain reconstitue enfin une force d’artillerie sur la rive gauche de la Meuse, l’espoir reprend sur le terrain défoncé de la ligne française, même si l’attaque allemande repart de plus belle en mars, et cette fois sur les deux rives. Le soldat allemand de Verdun est, au début de la bataille, relativement moins malmené que son adversaire. Il ne subit pas le tir d’artillerie et attend l’heure de l’attaque dissimulé dans les abris souvent bétonnés. Le sol des ouvrages d’avant-poste est dallé, les murs sont en pierre avec des joints cimentés. Les roulantes ne sont jamais loin et si la soupe est . pauvre en matières grasses, elle est servie chaude. Les antennes sanitaires sont plus efficaces, plus proches des lignes, et dotées d’une plus grande capacité d’enlèvement. Le capitaine de Gaulle, du régiment d’Arras, blessé d’un coup de baïonnette autour de Douaumont est ramassé inanimé sur le terrain par des brancardiers allemands qui le conduisent au poste de premiers secours.
    Dans les lignes françaises, rien ne ressemble à de vraies tranchées, comme le souhaiteraient Pétain et les poilus. L’eau suinte dans les boyaux disloqués. Les soldats subissent le tir ennemi dès qu’ils prennent la pelle pour creuser. Un territorial raconte qu’il est surpris par le feu ennemi au bois des Corbeaux : « Ça tombait de tous les côtés. On était tué sans même savoir d’où le coup était parti. »
    À Chattancourt, en seconde ligne, on creuse le sol marécageux, avec de l’eau à mi-jambe. Les terrassiers manquent : ils jettent des cailloux sous les roues aux pneus pleins de la Voie sacrée. Les six régiments d’infanterie qui tiennent la rive gauche de la Meuse en première ligne sont de Montauban, Toulouse et Marmande. Ils réussissent à creuser, à force de travail de jour et de nuit, une ligne bien ébauchée, avec des réduits et des fortins, protégée de barbelés, mais non reliée aux autres réseaux. Impossible de quitter les boyaux en cas d’attaque. Il faut s’entretuer dedans.
    Le bombardement a interrompu toutes les lignes et le téléphoniste Émile Carrier, du 29 e d’Autun, prend des risques pour les rétablir : « Les fils sont coupés par les obus cinq à six fois par jour et autant la nuit. Nous bondissons de trou en trou avec notre rouleau de fil et l’appareil qui nous sert à délimiter les cassures. Notre baïonnette nous sert de piquet de terre. » L’état-major insiste : les téléphonistes doivent réparer coûte que coûte et ne prendre aucun repos. La sécurité de l’armée dépend d’eux. Ils sont aussi utiles que les grenadiers.
    L’attaque allemande s’est rationalisée en mars. Il n’est plus question d’avancer avec confiance sur un champ de bataille nettoyé par l’artillerie mais de mener au plus juste le combat d’infanterie. Cette nouvelle tactique nous est connue par des récits de soldats. Le sergent Teyssère a bien observé les modalités nouvelles de l’assaut, réglé comme un ballet. « Les vagues étaient précédées d’hommes qui portaient un brassard blanc et, une fois la ligne franchie, s’avançaient toujours, laissant aux autres le soin du nettoyage. Ils lançaient avec un pistolet à chaque avance une fusée blanche et une fusée rouge. C’était évidemment une élite. Des jeunes, chic, sans sac. Ils n’avaient qu’un fusil, cartouchières et ceinturons, et un calot. »
    Ils ont pour fonction de bien marquer, pour l’artillerie, le parcours de l’approche. Les troupes ordinaires suivent à cinquante mètres, par sections, au pas, le fusil à la main, comme à l’exercice. Un sous-officier indique en tête le mouvement, un fanion à la main. Aux

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