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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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premiers barbelés, les Feldwebel tirent des fusées. Le tir roulant de l’artillerie, incessant, se porte plus avant de quelques secondes. La synchronisation est parfaite. Les canons plus lourds tirent aussi pour « encager » la section française en face, pour la couper de tout renfort possible, et lui interdire tout recul.
    Ainsi se trouve encerclé et décimé le 211 e de Montauban. Le régiment est bientôt isolé à trois kilomètres au cœur des lignes ennemies sans pouvoir bouger. Les prisonniers seront nombreux et certains bataillons anéantis par le feu d’artillerie que les Français ne sont pas encore en mesure de contrebattre.
    *
    Le moral français flanche. Les Gascons du 211 e régiment accusent les généraux : on les laisse, la poitrine nue, en face du rouleau compresseur. Aucun soutien d’artillerie. Pas la moindre contre-attaque. Au bois des Corbeaux, les soldats de Foix (259 e ) sont encore seuls à contenir la ruée des Feldgrau. Ceux de Toulouse s’accrochent aux ruines, tirent à la mitrailleuse. Des fuyards crient sauve qui peut ! Le capitaine Pougès dispose à l’arrière des territoriaux armés de mitrailleuses pour regrouper de force la troupe débandée. Ceux de Marmande se font décimer en reprenant à la grenade les abris abandonnés par les territoriaux au Mort-Homme.
    Le seul remède contre la panique est le recours aux régiments sûrs, dotés de chefs intraitables. Macker, avec les Clermontois du 92 e , est chargé d’arrêter le recul. On envoie aussi les zouaves et les tirailleurs de la 25 e division d’Alger. Ces troupes sont à leur tour massacrées. Macker, qui veut mourir glabre, se rase avec du pinard. Il fait sonner le clairon, ordonne la charge comme aux plus beaux jours d’août. Dix de ses officiers tombent, il reprend le bois des Corbeaux et, le 10 mars au matin, le bois de Cumières, perdant la vie dans cette attaque sur terrain découvert. Les pertes sont effroyables. Le général de Bazelaire publie un ordre du jour tonitruant : « Morts ou vivants, bravo les Gascons ! »
    Sur le corps des Clermontois exterminés, amoncelés sous la neige, les Aurillacois du 139 e s’avancent. Leur premier bataillon perd neuf hommes sur dix. Les survivants sont pris par un bombardement violent. « On marchait sur des morceaux de viande, raconte un capitaine, c’était une bouillie humaine. » Le 9 e de tirailleurs algériens n’existe plus. Une brigade de la division d’Alger se trompe de bois, elle attaque un réduit dense de mitrailleuses au pas de charge. Des milliers de pieds-noirs tombent en pure perte.
    Le tir des 75 rameutés par Pétain manque totalement de précision, faute de marquage des lignes et d’observatoires. Les obus accablent souvent les unités françaises, où l’on maudit les artilleurs. Plus que jamais, les divisions fraîches sont jetées sur ce charnier pour arrêter à tout prix l’avance allemande. Autour de Vaux, le 107 e d’Angoulême se fait tuer avant d’arriver à destination de son attaque. Deux nouvelles divisions entrent en ligne, la 13 e du général de Bouillon et la 120 e de Nicolas, à leur tour exposées aux tirs exterminateurs. De bonnes troupes, venues de Lyon, Langres et Chaumont.
    Elles fondent dans le déluge de feu. Les avions à croix noires et les Drachen repèrent tout mouvement sur le terrain et avertissent les batteries, qui tirent aussitôt. Le 17 e de Béziers est encerclé, anéanti, malgré la bravoure de ses soldats. Pour empêcher la percée, les brancardiers abandonnent les blessés pour prendre le Lebel, les téléphonistes font le coup de feu, les pionniers jettent leurs pelles. Cette « compagnie des lions » résiste jusqu’à l’arrivée des renforts.
    Le sacrifice de l’infanterie se poursuit dans le désordre. Les divisions succèdent aux divisions. On sacrifie même les excellentes divisions du 20 e corps. La 153 e est anéantie par le feu, même si elle tient encore ses lignes du côté d’Haudremont, la 39 e disparaît complètement. Le 26 e régiment de Toul est placé dans le secteur d’Esnes, sur la rive gauche de la Meuse, près de la cote 304. Pétain ne veut à aucun prix perdre cette position dominante, essentielle dans la bataille. Le régiment ne trouve, à son arrivée sur les pentes au-dessus d’Esnes, pas la moindre tranchée. Il doit creuser le sol sous le bombardement. Le commandant Debosves s’y fait tuer : il était le dernier des officiers commandant

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