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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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économiques et sociales, encore moins, naturellement, au « peuple allemand » que Wilson et Lloyd George entendent ménager et détourner du bolchevisme. Au prix d’un changement de régime et d’une amputation de territoires, l’Allemagne reste intacte.
    L’armistice a été obtenu par une pression constante et sanglante exercée sur le front. Il n’est pas question, pour Foch, le 9 novembre 1918, de relâcher l’effort, alors qu’il doit saisir des gages ou des points de départ solides pour contraindre les Allemands à signer et à exécuter leurs engagements.
    De nouveaux sacrifices sont donc imposés à la troupe, pour franchir la Meuse et constituer une tête de pont capable de pousser vers le Rhin. Ces derniers combats ne sont pas seulement destinés à prouver au monde que l’Allemagne est vaincue, mais à la vaincre réellement, à l’empêcher de résister encore, malgré la signature de l’armistice. On signe quand les territoires français et belge ne sont pas encore libérés. On négocie le retrait d’une armée qui occupe le territoire allié.
    Dans l’après-midi du 9 novembre, Foch avait lancé un ordre au 14 e corps de franchir le fleuve entre Sedan et Mézières, pour impressionner l’état-major allemand et le contraindre à signer. Pour l’empêcher de reconstituer une nouvelle ligne de défense, et faire tramer ainsi la conclusion du drame, dans le sens le plus favorable aux intérêts allemands.
    Qui tenait en effet la Meuse pouvait percer, par la Belgique wallonne, vers le Rhin. Foch retrouvait devant lui la vieille frontière de la Neustrie, celle des quatre fleuves, l’Escaut, la Meuse, la Saône et le Rhône, issue du partage de l’Empire de Charlemagne. Cette ligne, les Allemands devaient la tenir à tout prix pour éviter l’invasion. Les lignes Hermann, Hunding et Brunehilde une fois percées, la position de repli ultime était celle de la Meuse à l’Escaut.
    Suivre le cours du fleuve mérovingien, c’était pénétrer en terre germanique, menacer Spa, où se tenait l’état-major allemand, et de là foncer sur le Rhin. Cette voie était infiniment plus sûre que la Lorraine gardée par les places fortes de Metz et Strasbourg. Le calcul de Foch était juste : une tête de pont sur la Meuse signifiait pour les Allemands le commencement de la fin.
    Sur le terrain, cet objectif entraîne des combats tardifs, mais acharnés. Le colonel Colin, de la 62 e division d’infanterie, n’a pas cessé d’attaquer en octobre la position Hunding et ses troupes sont exténuées. En quatre jours, sa division a marché sac au dos sur cent kilomètres. Elle a attaqué les mitrailleuses sous béton, franchi les réseaux de barbelés, essuyé les tirs nourris des 105, avançant à marche forcée sur la Meuse. Le 29 octobre, elle a repoussé une contre-attaque allemande.
    Les pertes sont lourdes et le général s’inquiète de la succession des « petites attaques ratées » sur le front français, alors que l’on annonce la révolution à Vienne et la capitulation turque. On lance de nouveau les hommes à l’assaut sans préparation. Les Français seront-ils les seuls à être tenus interminablement en respect par l’ennemi ? L’artillerie arrive à la rescousse, le 9 novembre, et la position est enfin tournée, la poursuite engagée.
    Les charrettes et les automobiles ont de la boue jusqu’aux essieux. Colin saute sur un cheval pour avancer plus vite, se garde néanmoins des mines placées par les Allemands sur les routes, des obus enterrés deux par deux que le génie doit désamorcer. Les poilus du 338 e secourent de leur mieux des colonnes de villageois que les Allemands avaient entraînés vers l’arrière de leurs positions, et qui rentrent chez eux sous la pluie, sans aucune provision.
    Le régiment se bat encore le 9 novembre, autour de Marlemont, toujours sur la route de la Meuse. Les villages sont truffés de nids de mitrailleuses et doivent être enlevés de vive force. Un obus tombe sur un ravin où sont embusqués des Creusois du 338 e  : quarante-cinq morts d’un seul tir de 105. L’accueil fait aux poilus dans les bourgs libérés devient, il est vrai, du délire quand ils approchent du fleuve.
    Le 9 novembre, Colin tient de son général que les plénipotentiaires allemands ont franchi les lignes « du côté de Fumay ». Mais les obus pleuvent encore le dimanche 10, alors que la nouvelle de « l’abdication de Guillaume » est connue par la

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