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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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TSF dans les rangs. Ce jour-là, au 307 e régiment d’Angoulême, le caporal Cossat est tué dans la forêt des Ardennes, à Sécheval.
    C’est le dernier mort de la division qui poursuit son avance vers la Meuse, le lundi 11 novembre. À 8 h 30, le colonel, qui vient de monter à cheval, reçoit l’ordre du général de stopper. « Je le mets dans ma poche, dit-il, sans le communiquer à personne, bien résolu à ne pas arrêter mon régiment d’avant-garde avant qu’il ait atteint la Meuse. » Il découvre le fleuve un quart d’heure avant la fin des combats. On enterre alors solennellement un soldat tué près d’Arreux. La population civile suit le cortège avec des fleurs. Ils étaient enthousiastes, les Ardennais accueillant les soldats de la 163 e division qui atteignaient les premiers les villages de la Meuse. Les drapeaux étaient aux fenêtres, les femmes embrassaient les poilus. Couverts de fleurs, ils attendaient la fin des combats.
    Ils reprenaient aussitôt l’opération projetée sur le fleuve : la IV e armée de Gouraud avait dû y consacrer deux corps d’armée, dont les trois régiments de la 163 e division, avec le 244 e d’artillerie de campagne et le soutien d’une batterie lourde. Le général commandant la 163 e , Boichut, savait que la Garde prussienne avait pris position sur les bords de la Meuse, avec une artillerie puissante. Les rives avaient été aménagées pour permettre les tirs de mitrailleuses. Les haies, les talus, les murs avaient été rasés à Vrigne comme à Nouvion.
    Les soldats de la division n’ont pas la réputation d’une troupe d’élite : des Méridionaux constamment décriés, accusés de lâcheté et de mollesse. Le 53 e régiment venait de Perpignan. Le 142 e de Mende, dans la Lozère. Le 415 e faisait partie de cette nouvelle ligne de régiments créés en mars 1915. Il était essentiellement nourri de Provençaux et de Marseillais. Il s’était battu aux lieux les plus atroces de la Somme, de Verdun et de Champagne. Ces poilus, jeunes et anciens, étaient épuisés. Ils attendaient la fin des combats.
    Le général Boichut, un artilleur polytechnicien, était stupéfait de l’ordre de Foch. Il s’en ouvrait à son supérieur, Marjoulet, commandant le 14 e corps [129] .
    — Les troupes sont fatiguées, dit Boichut. Elles s’attendent à un repos qui leur est indispensable.
    — Il faut passer.
    — L’obstacle est considérable. Je l’ai reconnu. Ponts et passerelles sont impraticables, sinon détruits. Les équipages de ponts sont sur l’Aisne et nous n’avons aucun moyen de franchissement.
    — Il faut passer, il le faut, à tout prix. L’ennemi hésite à signer l’armistice. Il se croit à l’abri derrière la Meuse. Il faut frapper son moral par un acte d’audace. Passez comme vous pourrez : au besoin sur les voitures de nos convois, mises en travers du fleuve. Il faut passer… Question de moral.
    — Question de moral, répond Boichut, dans ce domaine, rien n’est impossible. On passera.
    *
    Les ordres donnés à tous les généraux sont équivalents : Humbert ordonne à sa III e armée, pour le 11 novembre, de « rejeter vigoureusement l’ennemi de l’autre côté de la Meuse ». La X e de Mangin est chargée de « rompre le front ennemi en direction de Sarreguemines ». Il est essentiel de franchir la ligne des fleuves si l’on veut obtenir des Allemands le respect des conditions de l’armistice. Nul ne peut prévoir les réactions de l’ennemi.
    Boichut explique à ses officiers que le sacrifice demandé est essentiel pour terminer la guerre, assurer et contrôler la défaite de l’Allemagne. Il se fait l’interprète des ordres de l’état-major. Quand on dit aux poilus qu’il s’agit du dernier coup d’audace, pour obtenir la paix une fois pour toutes, ils se relèvent et marchent, quelle que soit leur fatigue, surtout les Méridionaux qui ont à cœur de rappeler qu’ils n’ont jamais été des lâches. Les voilà prêts à tenter l’impossible.
    Les soldats du génie donnent l’exemple. Avec des tonneaux et des sacs Habert [130] , des radeaux sont jetés dans l’eau glacée du fleuve et dans celle du canal. La Meuse à cet endroit est large de 70 mètres et son courant est fort. Par -26°C, à 3 heures du matin, le sous-lieutenant Castex et quatre hommes placent deux filins en amont et en aval du pont de Nouvion pour que les hommes puissent s’y accrocher dans le brouillard, et échapper

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