Les Poilus (La France sacrifiée)
fermeté. L’armistice sera tel qu’il empêchera la reprise des hostilités. Si le régime allemand ne change pas, les Alliés exigeront la capitulation complète de son armée. Il veut aller, s’il le faut, jusqu’à Berlin, comme Eisenhower en 1945, détruire radicalement le militarisme prussien et l’impérialisme de caste, comme plus tard Roosevelt le nazisme.
Hindenburg, à la fois défenseur des valeurs militaires et des intérêts de l’Empire, proclame que cette proposition est inacceptable. Max de Bade menace de se retirer. Ludendorff se sacrifie et démissionne seul, alors que le maréchal reste en place. Sa présence est encore nécessaire, tant qu’un Allemand reste sous les armes. On vient d’apprendre que l’empereur d’Autriche était sur le point de signer l’armistice. L’Allemagne n’a plus d’alliés, plus de quartier-maître général. Les troupes allemandes reculent sur tous les fronts.
Est-ce la fin ? Pas encore : les généraux alliés ne sont pas d’accord sur les clauses du désarmement. Doit-il être total, comme l’exigent Pétain et Pershing ? Ou partiel, comme l’admettent Foch et Haig ? Occupera-t-on la rive gauche du Rhin en délimitant des têtes de pont et une zone démilitarisée sur la rive droite selon la thèse de Foch ? On en discute longuement et les conditions adressées aux Allemands sont le résultat de cette négociation préalable dont les clauses engagent déjà les négociations futures de la paix.
La réponse des Alliés parvient à Berlin le 6 novembre, trois jours après la signature de l’armistice par l’Autriche. L’Allemagne entre en révolution par la mutinerie des équipages de la flotte, à Kiel. Les plénipotentiaires allemands, des militaires obscurs [128] ,ont ordre de tout accepter, sauf le désarmement général et la capitulation de l’armée, sous la responsabilité politique et civile d’Erzberger, qui portera seul le poids de la défaite. Puisque la révolution est en passe de l’emporter, le jeu des négociateurs allemands est d’avertir les Alliés qu’ils ne peuvent réduire le bolchevisme sans leur aide. Les soldats américains accepteront-ils de monter la garde aux frontières de l’Ukraine ? Faut-il retirer si vite les soldats allemands de l’Est ? Utiliser cette peur est une autre manière de jouer la carte Wilson.
L’argument des Allemands est d’obtenir les moyens de réduire le bolchevisme dans leur propre pays : ils demandent des armes et des locomotives. Le 7 novembre, ils ont franchi la ligne à Haudroy, près de La Capelle. Le 9, un courrier venu de Compiègne est arrivé à Berlin, dans une ville en proie aux manifestations spartakistes et aux grèves révolutionnaires. Toutes les cités rhénanes arborent le drapeau rouge, comme Munich et Hanovre. Les sociaux-démocrates ont envoyé un ultimatum au Kaiser pour qu’il abdique.
Max de Bade, avant d’abandonner le pouvoir au socialiste Ebert, annonce, sans l’avoir consulté, le renoncement au trône de l’empereur. Guillaume II part, le 9, pour son long exil en Hollande. Le dimanche 10 novembre, le gouvernement allemand approuve les clauses du maréchal Foch. Les plénipotentiaires ont obtenu un allongement des délais, une réduction des demandes de livraison de mitrailleuses et de camions, pour permettre de lutter contre les bolchevistes.
L’armistice est signé dans le wagon de Foch à Rethondes, le lundi 11 novembre à 5 h 10 du matin. Il doit entrer en vigueur le jour même, à 11 heures, sur toute la ligne du front. La guerre est finie.
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Quand les quatre reçoivent la capitulation de l’armée allemande à Berlin, le 8 mai 1945, il n’y a pratiquement plus un soldat allemand pour résister. Le but immédiat des Alliés et associés est d’écraser radicalement l’État allemand nazi, non de le reconstituer sous une autre forme.
Pendant la négociation de l’armistice de 1918, considéré du point de vue militaire allemand comme une trêve permettant de négocier la paix et non comme une capitulation, les combats se poursuivent jusqu’au dernier moment, alors que les officiers français du front n’ignorent pas qu’une négociation est en cours. Signer l’armistice n’est pas détruire l’Allemagne, mais contraindre son armée à reconnaître sa défaite en rentrant chez elle pour y être démobilisée. La responsabilité de la guerre est imputée par Wilson à l’empereur et à l’état-major, pas aux puissances
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