Les Poilus (La France sacrifiée)
personne au Reichstag, pour calmer l’émotion des députés, persuadés que le front va s’effondrer. L’armée de Douai résiste, dit-il, la ligne Hermann tient, il peut attendre quelques jours, le temps que les civils se décident.
Le 3 octobre, au conseil de la Couronne, Max de Bade persiste. L’empereur, excédé, le gourmande : « Tu n’es pas là pour faire des difficultés au haut commandement ! » Le chancelier exige que l’on convoque le Reichstag, pour avoir son aval. Hindenburg proteste. Il ne veut pas d’une discussion parlementaire. Il refuse aussi d’admettre par écrit la possibilité d’un « effondrement », il veut bien négocier avec les Américains, mais non pas rendre leurs provinces aux Français, encore moins la Haute-Silésie aux Polonais. Si l’on veut lui imposer une « paix de déshonneur », il résistera « jusqu’au dernier homme ». On n’abandonne pas le sol ni le drapeau, et encore moins l’armée.
S’il veut l’armistice, c’est seulement, affirme-t-il désormais, pour éviter « des pertes inutiles ». Max de Bade finalement se résigne : la note signée de sa main part pour l’ambassade allemande de Berne le 4 octobre à 1 h 45 du matin. Le pouvoir civil a cédé.
Mais il croit encore obtenir de Wilson, à qui il a adressé sa demande, des conditions favorables. Ludendorff renforce ses défenses, pour aider à la négociation. Il organise la ligne Hermann dans le Nord, inonde les abords de Douai, aménage la position Hunding au-dessus de l’Aisne, verrouille le débouché de l’Argonne pour priver Pershing de tout espoir d’offensive.
Pendant que les troupes alliées s’exténuent, Wilson étudie seul, sans consulter ses associés européens, la note allemande, du 4 au 8 octobre. Il répond, le 8, à Max de Bade par un questionnaire. Il veut savoir à qui il a affaire, à l’ancien ou à un nouveau régime ? Il exige une réponse politique, avant toute autre considération. Il demande, comme gage de bonne foi, l’évacuation immédiate des territoires occupés. Il n’évoque pas l’Alsace et la Lorraine.
Ludendorff, convoqué par le gouvernement Max de Bade le 9 octobre, estime que trois mois sont nécessaires pour opérer ce mouvement. La réponse allemande à Wilson du 12 octobre est donc dilatoire. Le chancelier accepte l’évacuation, mais sans préciser de date. Il affirme qu’il parle « au nom du gouvernement et du peuple allemand », qu’il est le chef d’une formation représentative des forces politiques allemandes, où figurent le catholique Erzberger et le socialiste Scheidemann.
Le gouvernement français est divisé sur la question de l’armistice. Le ministre poincariste. Leygues affirme qu’il « couperait le jarret à nos troupes ». Clemenceau, qui veut éviter les morts inutiles, parle de démissionner mais adresse aussitôt un message à Wilson pour exiger la consultation des experts militaires, Foch en premier, seuls habilités à répondre à une demande d’armistice.
Wilson poursuit, dans sa note du 14 octobre, son objectif politique. Il exige l’abolition du régime impérial, « condition préalable de la paix ». L’armée allemande sera soumise aux clauses imposées par les militaires. « C’est l’effondrement de ma maison », commente l’empereur. Ludendorff, convoqué le 17 octobre, parle encore de résistance, de levées nouvelles, d’incorporation des travailleurs. Le gouvernement ne croit pas à la possibilité d’une levée en masse. Le 20 octobre, il accepte dans son principe la note de Wilson. Les négociations traînent depuis deux semaines et l’on se bat furieusement sur le front.
Foch change son fusil d’épaule, et devient subitement attentif à la proposition de Pétain d’une offensive franco-américaine en Lorraine, au lieu de se contenter d’une attaque sur la Meuse pour libérer la Belgique avec les armées française, belge et britannique. Puisque les Allemands veulent négocier directement avec Washington, il faut les contraindre à reconnaître une victoire française, associée à une présence américaine. L’objectif, conforme aux buts de guerre français, est la Sarre et le Rhin. Les Alliés, à l’exemple de Wilson, affirment aussi leur volonté de terminer la guerre selon leurs vues, en se saisissant de gages pour la négociation. L’offensive de Lorraine est mise en place pour le 14 novembre.
La note de Wilson du 23 octobre est de la plus grande
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