Les Poilus (La France sacrifiée)
le cheval fou du pangermanisme.
Par l’orchestration du défilé de la Wehrmacht, marquant la victoire de la bonne et vieille Allemagne sur le diktat, la propagande du docteur Goebbels faisait oublier la cause essentielle de l’investissement légal de la République de Weimar par Hitler : leur victoire électorale contre le parti communiste et la social-démocratie.
Elle passait aussi sous silence le réarmement clandestin de la Reichswehr, le justifiait implicitement puisqu’il avait eu pour résultat, en trompant les Alliés, de réaffirmer la puissance allemande. Hitler assumait ainsi, et récupérait, toute la politique des réformateurs de résistance à la prussienne, particulièrement l’accord conclu avec les bolcheviks pour faire l’essai des nouveaux matériels en URSS, qui permettait d’offrir à Hitler, en cadeau de noces de « l’ancienne et de la nouvelle Allemagne », une Reichswehr reconstituée par les soins attentifs des généraux de Weimar.
Tous les effets du diktat avaient en fait été biffés à l’ouest bien avant l’arrivée de Hitler au pouvoir.
Les accords militaires n’étaient pas seuls à avoir rapproché Weimar de Moscou : ministre des Affaires étrangères en 1922, Walter Rathenau, directeur et propriétaire du gigantesque trust Allgemeine Elektrizität Gesellschaft (AEG), assassiné par les nationalistes sous le prétexte de sa politique trop favorable aux Alliés à l’ouest, avait pris la responsabilité de négocier avec Lénine les accords de Rapallo pour favoriser les exportations allemandes en URSS pendant que le général von Seeckt méditait un accord militaire : la haine commune de la Pologne rapprochait déjà les deux gouvernements.
Le comte de Brockdorff-Ranzau, auteur des premiers contacts entre les bolcheviks en exil et le gouvernement allemand pendant la guerre, envoyé par Ebert à Paris pour tenter d’atténuer les clauses du traité de Versailles en 1919, était alors ambassadeur à Moscou et dirigeait plus que jamais l’Ostpolitik. Il avait l’oreille de Lénine, même s’il considérait au fond de lui-même les bolchevistes comme un « gang de criminels », utilisables contre les Français, mais peu fiables comme Alliés. Plus que jamais, il voulait faire peur à l’Ouest, sans conclure aucune alliance, en évitant toute aventure. Grâce aux accords de Rapallo, réduits à des échanges économiques et à des avantages militaires, on pourrait amener les Britanniques à accepter le réarmement allemand, l’un des objectifs de la politique de Weimar.
Dans ce rapprochement, Lénine puis Staline ne voyaient qu’un moyen de diviser Français et Britanniques et de modérer les appétits polonais, mais aussi de conclure avec les firmes allemandes de fructueuses affaires, qui devaient, il est vrai, s’avérer plus tard décevantes. La puissante compagnie métallurgique Rusgertorg s’était installée, pour un temps seulement, en territoire soviétique, et la Hamburg Amerika Linie avait fait relâche dans les ports rouges sans pouvoir y prospérer. Mais, en 1928, l’URSS ferait un tiers de son commerce extérieur avec l’Allemagne, et, depuis 1921, les Allemands étaient autorisés à construire le matériel militaire prohibé en URSS et à réaliser tous les essais possibles.
Après la conclusion des accords de Locamo considérés à Moscou comme une « machine de guerre « contre l’URSS, les soviets avaient obtenu de la Wilhelmstrasse un accord de neutralité, signé en 1926 : il était convenu que les Allemands s’opposeraient à tout droit de passage des armées alliées vers l’est et ne s’associeraient pas à un blocus économique de la patrie du bolchevisme. Plus que jamais les techniciens militaires allemands étaient reçus au pays de Staline.
La continuité dans l’action militaire et diplomatique de la République de Weimar et du III e Reich à ses débuts est manifeste. Hitler n’avait qu’à poursuivre une politique de rectification du traité déjà presque achevée. Dès le 7 décembre 1925, dans une lettre à l’ex-Kronprinz de Prusse [132] , Stresemann avait indiqué avec précision les futurs développements de la diplomatie. Pour rajeunir son équipement, l’Allemagne avait besoin de capitaux et donc de rassurer les milieux financiers internationaux. Les accords de Locarno y pourvoieraient. L’Allemagne reconnaîtrait les frontières avec la France et la Belgique, mais garderait les mains libres à
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