Les porteuses d'espoir
vivre ?
— Je suis femme de ménage..., avoua Yvette. À part chanter, c’est tout ce que
je sais faire !
Cette fois, elle se versa à boire.
— Je ne roule pas sur l’or, c’est vrai. Du moment que je réussis à mettre un
peu d’argent de côté, une brique me tombe sur la tête. L’année dernière, Jean a
eu la rougeole et ça m’a coûté une fortune rien que pour le docteur.
— Qui s’occupe de Jean ?
— Ma voisine…
— Ma pauvre Yvette... Tu dois rentrer à la maison, dit Laura.
— Retourner chez nous ! Tu crois-tu que j’en rêve pas ! dit Yvette d’une voix
larmoyante. Mais as-tu pensé à Jean ? Ici, je peux faire accroire que je suis
veuve. Si je m’en retourne, qu’est-ce que je vais faire ?
— Tu peux pas rester dans cette misère ! Jean est maigre, toi, t’as juste la
peau pis les os !
Découragée, Yvette se laissa tomber sur le bord du divan et se mit à
sangloter.
— Pleure pas, Yvette. Attends, j’ai une idée. Tu vas faire tout ce que je te
dis.
Laura regarda autour d’elle à la recherche de quoi écrire.
— Je vais te donner l’adresse d’un endroit à Montréal où tu vas aller. C’est
pas un couvent. Voyons, tu dois bien avoir un crayon à quelque part... C’est
ouvert depuis la crise, un peu avant la guerre, je pense. Il y avait eu
tellement de pauvres femmes qui s’étaientretrouvées à la rue ;
pour pas mourir de faim, elles étaient obligées de... enfin, tu imagines le
portrait. Ah ! j’en vois un.
Sous la pile de journaux, Laura trouva enfin un crayon. Elle déchira le bout
d’un sac en papier.
— Cela s’appelle Notre-Dame de la protection. Ils accueillent les femmes
avec leurs enfants.
— Mais j’ai pas assez d’argent pour le voyage et…
— Je retourne à ma congrégation. Tu vas voir, tout va s’arranger. Nous sommes
un groupe qui vient du Canada pour aller en Afrique, mais il y en a un autre qui
retourne à Montréal pour faire du recrutement. Je crois que tu pourras te
joindre à elles.
— Quoi ?
— Leur départ est prévu pour ce lundi.
— Quoi ?
— C’est tout ce que je peux faire... Retourne à la maison, Yvette. Reste pas
ici.
— Tu diras jamais rien à maman ?
— Jamais. Promets-moi de partir.
— Je le sais pas, Laura... Je le sais pas...
— Yvette, je t’en supplie. Pour Jean... pour mon neveu... Pour qu’il ait une
chance. Au refuge, ils vont t’aider. Fais-moi confiance.
— La confiance, Laura, je suis désolée, mais... c’est un mot banni de mon
vocabulaire.
Mélanie se hâta jusqu’au port. Tous les bateaux étaient déjà rentrés sauf La
Joséphine. Parfait. Elle avait craint de le rater. Pour sa surprise à
Pierre, elle voulait se trouver sur le quai lors de son retour de mer. Elle
rectifia sa coiffure en souhaitant que son mari la trouve encore jolie. Elle se
dirigea vers la jetée et scruta l’horizon.Rien en vue. Elle
patienta, faisant les cents pas, ne pouvant détacher son regard de la mer. Elle
attendit et attendit, de plus en plus nerveuse. Le soleil déclinait. Pierre
aurait était supposé être de retour. Qu’est-ce qui se passait ? Elle se
raisonna. Allons, il faisait encore clair... Il n’allait plus tarder. Elle
descendit le talus et alla se promener le long de la grève. Toutes les minutes,
elle épiait l’horizon. Le bruit des vagues roulant vers ses pieds était
assourdissant. Mélanie frissonna. Quelle puissance émanait de la mer ! Elle
préféra s’en éloigner un peu et rechercher le calme des dunes. Elle gravit un
amas de roches. En haut de son ascension, elle se retourna. Même de ce point de
vue élevé, il n’y avait nulle trace du bateau de Pierre. Son cœur se serra. Il
se faisait vraiment tard. Les autres bateaux, amarrés, somnolaient déjà.
Qu’est-ce qui retardait Pierre ? Et s’il lui était arrivé un accident ? Son cœur
battait maintenant la chamade. Elle avait des visions d’horreur dans son esprit.
Pierre blessé, Pierre broyé, Pierre noyé... Elle ferma les yeux et pria.
— Pierre, apparais, Pierre, je t’en supplie...
Mélanie releva la tête et mit ses mains en visière. Le soulagement l’envahit.
Là, au loin, un petit point qu’elle reconnaissait pour l’avoir tant surveillé
les dernières années venait de surgir. C’était La Joséphine. Heureuse,
elle n’eut plus qu’une hâte, celle d’aller
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