Les porteuses d'espoir
enveloppa
les deux pauvres réfugiés. Des bruits de chaînes se firent entendre dans
l’escalier vermoulu. L’ombre d’un gigantesque chien noir se matérialisa devant
la porte d’entrée, bloquant ainsi toute retraite aux visiteurs. La petite
s’écria : “C’est le Diable ! C’est le Diable ! Il s’en vient nous
chercher !”
Maintenant, le petit garçon regrettait ses paroles d’avant et
s’en mordait les doigts. Le chien avait pris complètement forme. Il montrait les
crocs les plus longs et les plus aiguisés du monde ! Était-ce un chien ou un
loup ? Une chose était certaine, cette bête immonde n’avait rien de naturel. La
pupille de ses yeux était faite de flammes. De son regard incandescent, il
fixait d’un air méchant ses proies. Repentant, le frère se mit à genoux et
brandit devant le démoniaque animal la croix qu’il portait au cou. Sa sœur
s’agenouilla à son tour et accorda ses prières à celles de son frère. Plus ils
récitaient le Notre Père , plus le chien grognait fort. La bête hurlait,
hurlait. Le nuage de débris s’intensifia. Des morceaux de vitre lacérèrent le
visage et les bras des prieurs. Malgré leurs blessures, ils continuèrent de
réciter leur prière. La bête hurla de plus belle et des bouts de bois se
détachèrent du mur de lattes et se mirent à frapper les enfants. Ils ne se
turent pas. Le plus effroyable des combats entre le bien et le mal se déroulait
et la bête semblait assurée de sa victoire. Les enfants étaient presque vaincus
quand un rayon de lumière bleue teinta la pièce. Le silence se fit. Le chien se
mit à gémir. La lumière s’intensifia. Avec un rictus de dépit, le Diable
s’enfuit. Puis, une douce voix de femme se fit entendre :
— Mes enfants, je suis l’étoile du matin. Toute la nuit, vous avez erré dans la
froide forêt. Vous avez eu peur, vous étiez perdus. Mille dangers vous ont
guettés. Vous avez douté. Quelles terribles épreuves vous avez dû affronter !
Vous saignez, vous êtes blessés. Mais le pire est derrière vous. Relevez-vous et
suivez-moi, je vous guiderai. Reprenez confiance, espérez ! Je suis l’étoile du
matin. J’annonce la venue du jour. L’heure la plus sombre précède
l’aurore. »
P REMIÈRE PARTIE
Les saisons déterminent le rythme
de la vie des hommes…
Printemps 1938
C’
était l’enfer ! Yvette n’en pouvait plus. Voilà cinq
mois, jour pour jour, que l’incendie avait eu lieu et l’ambiance à la maison
était devenue invivable. Elle avait eu dix ans au printemps dernier, mais Yvette
aurait pu en avoir cent. Elle avait enterré son enfance avec les huit membres de
sa famille, brûlés vifs. Réveillée par l’agitation inhabituelle de cette nuit
fatidique, Yvette était difficilement parvenue à comprendre l’ampleur du drame.
Personne ne lui avait vraiment expliqué les événements. Elle s’était forgé ses
propres déductions, glanant ici et là des informations. Évidemment, elle
comprenait que quelque chose d’épouvantable s’était produit, que son oncle
n’avait plus de maison et qu’il y avait eu des morts ; ses cousins et cousines,
sa tante Rolande… Seul le bébé Hélène était vivant. Sa tante Marie-Ange était
partie vivre avec la petite rescapée à Montréal. Comme sa tante lui manquait !
Yvette n’avait pas eu le droit de se rendre sur les ruines de la ferme. Son père
et son oncle pleuraient. Il n’y avait rien de plus désemparant pour une enfant
que d’être témoin de la faiblesse de ces hommes de la maison, ces rochers de
Gibraltar. Rien ne devait les ébranler et pourtant, cette fois, elle ne pouvait
se mettre à l’abri de leur ombre de géants. Le lendemain et les jours suivants,
elle ne pouvait que surprendre les conversations des adultes. Son père parlait
avec le curé des arrangements funéraires. Il était impossible de connaître
véritablement l’identité des restes.On avait fait le possible
pour trier les ossements par grandeur. Dès qu’elle le pouvait, Yvette partait se
réfugier dans l’étable. Baveux, le petit chien de la famille, venait rapidement
la retrouver. Elle avait tant de peine. Son chagrin était immense. Serrant dans
ses bras l’animal, elle espérait que quelqu’un trouve les mots pour lui
expliquer comment le feu pouvait arriver si soudainement un soir de janvier et
piéger tout le
Weitere Kostenlose Bücher