Les porteuses d'espoir
ombres ? Ne fais confiance à personne, cache-toi, ne prends aucune
chance, aucun risque ? À ce compte, plus une femme ne mettrait au monde un
enfant. Tout combat serait perdu d’avance.
La plus grande force du Diable, c’est la perte de l’espoir. La
plus grande richesse de l’âme, c’est d’en naître porteuse.
Julianna sourit à la fillette.
— N’aie pas peur, il ne pourra jamais rien contre toi. Tu es beaucoup plus
maligne que lui.
— Henry, viens m’aider à coucher ces deux petites diablesses, dit Isabelle en
se levant, tenant contre elle sa deuxième fille, finalement endormie.
— Allez hop ! Votre petit frère dort depuis longtemps, lui.
L’avocat prit son aînée des bras de Julianna et suivit Isabelle à l’intérieur
du chalet.
Les yeux rivés au feu, Julianna sombra dans ses pensées. Elle ressentit un
pincement au cœur. Elle aurait voulu revenir en arrière, quand ses enfants
étaient petits eux aussi. Cela faisait mal, leur départ, leur absence faisaient
mal. Les enfants quittent le nid et les parents se retrouvent seuls… rendus un
vieux couple, éloignés l’un de l’autre, n’ayant plus rien en commun.
— Savais-tu que quand on regarde une étoile, on regarde le passé ? murmura tout
à coup François-Xavier.
Le passé… Il avait eu soixante ans au printemps. Le passé… sa naissance, son
enfance, son mariage, ses rêves, ses déceptions, son amitié perdue, son amour
perdu… Il avait bien peur que son épouse ne l’aime plus. Julianna passait son
temps au journal. Un immense fossé s’était creusé entre eux. Il avait
peur…
Julianna se leva et vint aux côtés de son mari contempler à son tour la voûte
céleste.
— Si on voit le passé, c’est que nous sommes l’avenir ? dit-elle.
Oui, il devait y avoir un avenir. Différent de ce qu’ils avaient rêvé
peut-être, différent de ce qu’ils avaient espéré ; différent, mais bien
réel.
— François-Xavier ? Que penserais-tu si on allait en Gaspésie bercer notre
petit-fils ?
Son mari resta silencieux. Il n’avait jamais pu se résoudre à
faire ce voyage. Il avait si peur de découvrir ce coin de pays qui le rattachait
à ses origines. Il pensa à sa mère naturelle, Joséphine… Julianna
insista :
— S’il te plaît… Je sais que c’est loin, mais la visite de Pierre, l’année
dernière, a passé trop vite. Mélanie est enceinte de son deuxième. Elle ne peut
pas voyager et… je… je m’ennuie du petit Dominique. Jamais je n’aurais cru que
devenir grand-mère me chamboulerait autant.
Julianna se tut. Peut-être que ce voyage serait celui de la dernière chance.
Son patron la pressait de plus en plus de ses ardeurs. Elle était à deux doigts
de succomber. Il fallait que son mari et elle essaient de ranimer la
flamme.
Le regard au loin, au lieu de répondre à sa question, François-Xavier lui
dit :
— Merci Julianna.
— De quoi ? s’étonna-t-elle.
— Je me souviens quand Pierre est né. Je me pensais ben fin. J’allais lui
offrir un château pis un royaume sur la Pointe-Taillon. J’avais pas réalisé que
c’était toi qui me donnais un petit bout d’univers. À chacun de nos enfants,
t’as semé une étoile. Sans toi, j’aurais pas de passé à chérir et encore moins
d’avenir à espérer. Ça serait le néant…
Il plongea son regard dans celui de sa femme.
— On va y aller, en Gaspésie… murmura François-Xavier. Je mérite quelques
semaines de congé. Mais, je t’avertis, on va prendre notre temps. On va louer
chaque cabine sur notre chemin.
Du bout des doigts, leurs mains se cherchèrent… se trouvèrent,
s’étreignirent.
— Oui, répondit Julianna, on va prendre tout le temps qu’il faudra…
À suivre
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