Les porteuses d'espoir
pu subvenir un peu à ses besoins, en attendant l’accouchement, en tout
cas. Après, lorsque Paul-Andréverrait son enfant, il changerait
d’idée. Elle eut son fils, son merveilleux petit Jean. Avec son bébé dans les
bras, elle était revenue à l’appartement. Elle avait confié son petit à la
voisine et était partie à la recherche de son ancien amant. Elle fit le tour des
endroits où elle croyait pouvoir le trouver. Elle traîna devant les cafés, entra
dans les théâtres, mais ne trouva nulle trace du gérant. Elle essayait vainement
de se rappeler à quel cabaret il lui avait trouvé un contrat. Un animal qui
chantait… Oui, c’était cela, Le Sanglier chantant . Elle s’informa, trouva
l’adresse et s’y rendit. L’endroit ne payait pas de mine. Elle demanda à voir
monsieur Guillemet, le patron, et lui dit qu’elle cherchait un Paul-André
Durand. Il se souvenait très bien du gérant. Il lui avait fait confiance et lui
avait donné un contrat pour une supposée chanteuse à la voix d’or. La fille que
Paul-André lui avait amenée pouvait à peine croasser trois notes. Il ne l’avait
gardée que deux soirs à l’affiche. Cela avait mal tourné entre les deux hommes,
Paul-André exigeant d’être payé en totalité tel que stipulé sur le contrat. Le
patron aurait perdu plus d’argent en gardant sur scène cette poufiasse . À
ce qu’il sache, le gérant était retourné au Canada. C’était aussi bien, car
quant à lui, il était brûlé à Paris et se serait retrouvé les deux jambes
cassées... Yvette l’écoutait, les yeux ronds.
— Mais vous ne m’avez pas dit pourquoi vous le cherchez.
— Je… je suis chanteuse, il m’avait promis un contrat.
Il la détailla un moment.
— Vous êtes bien roulée... Si votre ramage va avec votre plumage, je pourrais
être intéressé.
— Pardon ?
— Une petite Canadienne française, ça a toujours du charme. Chantez-moi quelque
chose.
— Là, tout de suite ?
— Non, à Pâques ou à la Trinité.
Elle le regarda, ahurie.
— Allez, tu n’es pas si gourde, dit-il en laissant tomber le
vouvoiement. Chante un peu que je t’entende.
Elle n’avait rien à perdre. Elle enfonça ses pieds dans le sol et entama sa
chanson fétiche. Il l’arrêta.
— Hum, pas mal, pas mal…
Il tourna autour d’elle, l’étudiant des pieds à la tête.
— Tu as une robe convenable ?
— Euh… oui… rouge.
— C’est parfait. Quel est ton répertoire ?
— Je… je n’en ai pas, pas vraiment.
— Parfait !
— Quoi ?
— Oui, ça fait longtemps que je me cherchais un numéro qui sortirait de
l’ordinaire. Tu vas chanter de la poésie.
— Je ne vous suis pas…
— Mon pianiste va t’arranger de la musique sur des textes de poésie. Des poètes
canadiens-français s’il y en a… ou européens. Tu reprendras aussi des chansons
de ce débutant… comment s’appelle-t-il déjà ? Il vient de ton pays… Allons bon,
cette mémoire me fait défaut… Félix, oui, Félix Leclerc ! Quelques chansons de
ce bûcheron chantées par une jolie fille en rouge. Magnifique, cela sera
magnifique !
Le petit homme grassouillet perdit son enthousiasme. Il pencha la tête de côté
et demanda :
— Je ne veux pas de problème… Tu n’as rien à me dire ? Pas de petit ami
encombrant ? De mari ?
— Non… non, non. Je… je suis veuve.
— Une veuve joyeuse, j’espère ?
— Quoi ?
— Rien. Reviens demain, après le déjeuner. On va travailler. Tu chantes
le 15 février prochain. On devrait être prêts. Ah ! porte ta robe, je vais
prendre une photo pour l’affiche.
Devant le miroir, Mélanie s’examina, cherchant de la main ses
anciennes boucles.
— C’est court, vraiment court.
— Cela te va très bien, la rassura miss Harrington.
— Oui, confirma la coiffeuse. En blonde, vous seriez le portrait de Marilyn
Monroe.
— Faut pas exagérer quand même, marmonna Mélanie qui regrettait maintenant son
coup de tête.
Elle se releva de la chaise.
— Je vais faire ton portrait, déclara l’Américaine.
— Quoi ?
— Avec cette coiffure, j’ai une petite idée pour un tableau.
— Je pourrai vous regarder travailler ?
— Non, cela sera une surprise.
— En parlant de surprise, je suis vraiment pas certaine que ma nouvelle coupe
va plaire à Pierre...
— Allons, Mélanie, ton mari te
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