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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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la gorge. Elle jeta en avant une de ses pattes, s’assit sur sa
croupe et se laissa glisser dans la descente.
    Cela ne dura en réalité qu’une poignée de secondes, mais qui
leur semblèrent une éternité. La mule évita pierres, rochers et arbres ; à
la surprise du garçon, elle alla même jusqu’à sauter par-dessus des brèches
verticales. La Vieille ! Sa Vieille ! Plusieurs fois ils faillirent
tomber lorsque l’animal s’asseyait pour se laisser glisser plus bas. Des ronces
et des branches les griffèrent mais ils atteignirent finalement un cours d’eau
qui descendait de la Sierra Nevada. L’eau glacée avait le goût de la liberté.
La Vieille demeura immobile, de l’eau jusqu’à mi-pattes, et secoua violemment
le cou ; ses grandes oreilles voltigèrent, fièrement, lançant des milliers
de gouttes dans toutes les directions, comme si elle était consciente, elle
aussi, de la prouesse qu’elle venait d’accomplir.
    Hernando se laissa tomber dans le petit ruisseau et plongea
la tête dans l’eau. Alors, en apnée, il cria, produisant d’innombrables bulles
qui lui caressèrent le visage. Ils avaient réussi ! De son côté, tout en
restant debout, légèrement appuyé contre la mule, le chevalier aussi se laissa
glisser ; il perdait toujours du sang et malgré cela, simplement vêtu de
sa tunique, il apparaissait digne, altier, serrant fortement dans sa main
droite sa lourde et longue épée.
    Hernando s’assit dans le ruisseau.
    — Tu vois ? commenta le noble. Dieu ne voulait pas
notre mort.
    Hernando rit nerveusement.
    — Il faut se battre, pas pleurer ! Tu n’as pas les
tripes à l’air et ta mère n’est pas morte. Jésus-Christ et la Sainte Vierge et…
    Le chevalier continuait de parler, mais Hernando ne
l’écoutait plus. Et sa mère ? Et Fatima ?
    — Fuyons ! ordonna le noble à la fin de son
discours.
    Fuir ? se demanda Hernando. Oui, c’était ce qu’il
voulait. C’est pour cela qu’il avait risqué sa vie. Il s’était déjà échappé une
fois, à Adra. Alors, il avait abandonné Fatima et sa mère.
    — Attends.
    — Ils vont nous poursuivre. Dès qu’ils s’apercevront
que nous sommes partis.
    — Attends, insista Hernando. La nuit les arrêtera…
    — Que t’arrive-t-il ? l’interrompit le noble.
    — Il y a quelques mois, expliqua-t-il en se dressant
dans l’eau, et regardant avec une soudaine tristesse l’épée d’Hamid, je suis
allé sauver ma mère à Juviles.
    Pourquoi l’accuser de ce massacre ? pensa-t-il avant de
continuer. Mais il ne put s’en empêcher.
    — Vous, les chrétiens, vous avez tué plus de mille
femmes et enfants, lui reprocha-t-il.
    — Je n’ai…
    — Tais-toi ! Vous l’avez fait. Et vous en avez
réduit des milliers d’autres en esclavage.
    — Et vous… !
    — Qu’est-ce que cela change, maintenant ! coupa le
jeune Maure. Je suis allé là-bas, à Juviles, sauver ma mère. Et j’ai réussi.
J’ai aussi sauvé Fatima, ma… celle qui devait être ma femme ! Ensuite j’ai
sauvé sa vie à plusieurs reprises. Nous avons vécu des moments très difficiles.
    Hernando se souvint de la tempête de neige, lorsqu’ils avaient
fui Paterna, de la noce à Mecina, quand ils avaient échappé aux chrétiens… À
quoi tout cela avait-il servi ?
    — Je ne vais pas les abandonner à leur sort,
affirma-t-il.
    Il défia le chrétien du regard. Ce dernier perdait du sang
en abondance et pourtant débordait de force. Hernando lui-même, lorsqu’il
vivait comme esclave du corsaire, avait effacé de son esprit Fatima et
Aisha : il avait repoussé toute pensée les concernant, comme si elles
n’existaient pas, mais à présent… la liberté ! Quelle étrange énergie
donnait la liberté ! Brahim ne se livrerait pas aux chrétiens, pensa-t-il
tout à coup, mais si lui, Hernando, arrivait à fuir avec Fatima et sa mère, et
à se rendre, peut-être parviendraient-ils tous, ensemble, à oublier ce
cauchemar ?
    — J’ai besoin de ton aide…, commença à dire le
chevalier.
    — Je ne te servirai pas à grand-chose dans le noir. Tu
as seulement besoin de la Vieille. Je dois aller chercher ma mère… Et la femme
que j’aime ! Tu comprends ? Je ne peux pas laisser les chrétiens les
tuer ou faire d’elles des esclaves.
    Emporté par l’élan de sa décision, il voulut quitter le
ruisseau mais ses chaînes le firent retomber dans l’eau. Il les avait oubliées.
    — Cette résolution t’honore,

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