Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
Vom Netzwerk:
obligea l’Arabe à tourner
la tête. Sans hésiter, de l’endroit où il se trouvait, Hernando fit tourner son
fer et atteignit le cou du garde qui tomba raide mort sur le chevalier.
    Le noble écarta péniblement le cadavre.
    — Donne-moi mon épée, lui demanda-t-il, tout en
essayant de se lever.
    Hernando contemplait, pensif, la lame aiguisée de l’alfange,
sur laquelle brillait une fine ligne de sang.
    — Par Dieu ! Donne-moi mon épée ! supplia le
noble.
    Hernando regarda le chrétien. Que pouvait faire un homme
dans son état avec une épée aussi lourde ?
    — Je t’en prie, insista le chevalier.
    Il lui remit la lourde épée bâtarde et se dirigea vers
l’extrémité de la tente ; les troupeaux de mules étaient juste postés de
l’autre côté. Le noble le suivait, courbé, l’épée à la main. Hernando perçut la
douleur et la faiblesse dans les mouvements lents et engourdis du blessé, et
les doutes l’assaillirent de nouveau. C’était du suicide ! Comme s’il
devinait ses pensées, le chevalier leva le visage vers lui et lui sourit avec
reconnaissance. Hernando se baissa, s’immobilisa près du tissu de la tente et tenta
de distinguer quelque chose parmi les ombres. Le chevalier fit abstraction de
toute prudence : il fendit le tissu avec décision, passa par le trou et se
mit à avancer à quatre pattes vers l’extérieur. Lorsqu’il passa à côté de lui,
Hernando vit que sa blessure se remettait à saigner et que le bandage qui
recouvrait la plaque de cuivre était écarlate. Il le suivit, à quatre pattes
également, les yeux rivés au sol, sur l’épée qu’il traînait, s’attendant à tout
moment à tomber sur un soldat de garde. Mais ils n’en rencontrèrent pas et, en
quelques instants, se retrouvèrent entre les pattes des mules. Les murmures des
prières des milliers de fidèles faisaient écho à leur propre respiration
accélérée. Le chrétien lui sourit une fois de plus, ouvertement, comme s’ils
étaient déjà libres. Et maintenant ? se demanda Hernando : le
chevalier ne pourrait aller très loin, il se viderait de son sang, et ils ne
parviendraient pas à parcourir le dixième d’une lieue. Au-dessus des montagnes
le ciel était rougeâtre et le soleil annonçait son coucher imminent. Le
crépuscule de la Sierra Nevada ! Combien de fois l’avait-il contemplé à…
Juviles ! La Vieille ! En silence, il scruta les pattes des bêtes. Il
était impossible qu’il ne reconnaisse pas celles de la Vieille, il les avait
soignées des milliers de fois. Il les repéra et fit signe au chrétien de le
suivre. Lorsqu’il parvint auprès de la mule, il caressa ses tendons tordus et
couverts de cloques. La Vieille était équipée pour le voyage. Hernando se leva,
sans même vérifier si quelqu’un le voyait, si quelqu’un surveillait. Tous
étaient concentrés dans les prières du soir. À leur gauche, à quelques pas,
s’ouvrait le ravin d’une des innombrables gorges des Alpujarras.
    — Lève-toi, pressa-t-il le noble.
    Hernando l’aida à s’étendre en travers de la Vieille, comme
un ballot.
    — Accroche-toi bien, lui dit-il tandis que ses mains
cherchaient la sangle de l’animal.
    Il voulut lui retirer son épée, mais le chrétien s’y opposa,
préférant s’agripper d’une seule main.
    Tirant la mule jusqu’au ravin, Hernando avança à petits pas,
entravé par les chaînes de ses chevilles ; il réussissait à éviter de les
faire tinter, et marchait sans regarder un endroit précis, les yeux fixés sur
le vide de la gorge vers laquelle ils approchaient. Il eut envie de prier et de
se joindre aux murmures familiers qu’il entendait dans le camp, mais il s’en
montra incapable. Quand ils furent au bord du ravin, alors seulement Hernando
tourna la tête : on pouvait encore apercevoir une fine ligne rouge qui
dessinait les sommets. Personne ne les avait remarqués. Il se réjouit un
instant de cette scène : des milliers de personnes prosternées en
direction de l’orient, sur la rive opposée. Le chrétien le pressa. Il sauta sur
le dos de la mule, s’étendant en travers comme le chevalier, et il saisit la
sangle sous la panse de la bête.
    — Accroche-toi fermement, lui conseilla-t-il. La
descente va être dangereuse. À Juviles, la Vieille ! Conduis-nous à
Juviles !
    Et il lui tapota la croupe, d’abord doucement, puis plus
vigoureusement, jusqu’au moment où la mule vainquit sa réticence initiale et
s’élança dans

Weitere Kostenlose Bücher