Les révoltés de Cordoue
don Juan d’Autriche en avril 1570 se
propagea dans toutes les Alpujarras. Les chrétiens le traduisirent en arabe et
réalisèrent des copies qu’ils firent distribuer par des espions et des
marchands. Dans certains cas, l’édit fut récité discrètement par ceux qui
savaient lire, loin des monfíes, janissaires ou Barbaresques ; dans
d’autres cas, il fut chanté comme s’il s’agissait d’un ban. Le prince décréta
également que personne, sous peine d’un châtiment sévère, ne devrait arrêter,
voler ou maltraiter un Maure qui viendrait se rendre, comme cela s’était
produit par le passé.
Les deux camps traversaient des moments critiques : sur
les terres des Alpujarras, le prix des fanègues de blé et d’orge avait été
multiplié par dix : les soldats et leurs familles souffraient de la faim.
Abén Aboo ne pouvait rien faire pour améliorer cette situation. C’est pourquoi,
après un échange de lettres avec Alonso de Granada Venegas, homme de crédit
parmi les Maures, il chargea formellement El Habaquí de négocier la reddition.
Mais les simples négociations eurent un effet contraire aux intérêts des
Maures. À ce moment-là, trois galères venues d’Alger avec des vivres, des armes
et des munitions, entreprirent de débarquer leurs provisions sur les plages de
Dalías, et lorsque leurs occupants apprirent qu’Abén Aboo négociait sa
reddition, ils reprirent toute leur cargaison et retournèrent à Alger. La même
chose se produisit avec sept autres galères qui accostèrent sous le
commandement d’Hoscein, frère de Caracax, avec quatre cents janissaires et de
nombreuses armes à bord, et qui firent eux aussi demi-tour vers la capitale
corsaire dès qu’ils eurent vent des négociations de paix.
Du côté chrétien, la situation était plus complexe
encore : d’un côté, et indépendamment d’affrontements plus ou moins
sporadiques dans d’autres endroits des Alpujarras, la stratégie de la guerre de
guérilla adoptée par Abén Aboo rendait pratiquement impossible une victoire
définitive. De l’autre, l’insurrection avait déjà eu des conséquences dans la
ville voisine de Séville, où dix mille Maures vassaux du duc de Medina Sidonia
et du duc d’Arcos s’étaient soulevés, en réaction aux outrages qu’ils avaient
subis. Le Roi Prudent parvint à remédier à la situation en ordonnant à ces deux
nobles de venir en personne pacifier leurs terres, mais la crainte se répandit
qu’à tout moment le soulèvement pouvait s’étendre aux royaumes de Murcie, de
Valence ou d’Aragon, où vivaient de nombreux Maures.
Cependant, la raison qui pesa le plus pour que le roi
Philippe permette à don Juan d’Autriche d’offrir des conditions pour la
reddition résida dans l’attitude du sultan ottoman.
En février 1570, les Turcs, imitant les Arabes, qui
consacraient leurs efforts à la conquête de Tunis, attaquèrent Zara, en
Dalmatie vénitienne, et réclamèrent l’île de Chypre, où ils débarquèrent au
mois de juillet. En mars de cette même année, Philippe II reçut à Cordoue,
où s’étaient réunis les États généraux pour être tout près du champ de
bataille, un envoyé du pape Pie V. Au nom de toute la chrétienté, Sa
Sainteté demandait une nouvelle croisade, pour laquelle il proposait la
constitution d’une sainte Ligue afin de lutter contre la menace de l’infidèle
qui, selon le pontife, se croyait fort à cause de l’attention que l’Espagne
prêtait à ses conflits intérieurs. Le pieux monarque espagnol accepta mais,
pour employer tous ses efforts à cette entreprise, il était indispensable qu’il
mît un point final à ses problèmes avec les Maures des Alpujarras.
L’édit obtint la reddition massive des Maures, qui se
présentèrent au camp de don Juan d’Autriche, à El Padul. Mais il en résulta
aussi, devant l’impossibilité de faire du profit, la désertion d’une grande
partie de l’armée chrétienne. Sur les dix mille hommes aux ordres du duc de
Sesa lorsque celui-ci entra dans les Alpujarras, il n’en restait plus que
quatre mille.
— On s’en va ! On rentre à Alger !
L’ordre de Barrax tonna parmi ses hommes.
— Que tout soit prêt pour demain matin.
Il entra ensuite sous la tente.
— Tu as entendu ? cria-t-il à Hernando. Prépare-le
pour le voyage, ajouta-t-il en désignant le chevalier.
Hernando se tourna vers le noble : il allait un peu
mieux, mais…
— Il mourra, dit-il sans
Weitere Kostenlose Bücher