Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
Vom Netzwerk:
d’Ibn Abbu, le roi
d’Al-Andalus, et il avait tout ce qu’il désirait. On m’a promenée dans les rues
de Laujar sur la plus belle des mules blanches…
    Elle s’était tue dès qu’elle avait vu deux femmes vêtues de
noir avancer dans leur direction, flanquées de plusieurs domestiques et de
petits pages qui tenaient le bas de leurs robes pour éviter qu’elles se
salissent. L’étroite rue ne permettait pas qu’autant de personnes passent de
front, et les deux Maures s’étaient prudemment écartés. Les femmes ne leur
avaient même pas jeté un coup d’œil, mais Fatima, comme Jalil, n’avait pu s’empêcher
de regarder les enfants qui servaient de pages : c’étaient probablement
des Maures, des petits volés à leurs mères afin de les évangéliser. Le vieil
homme avait soupiré, et tous deux avaient gardé le silence un instant tandis
que les femmes et leur escorte descendaient la rue.
    — C’était la plus belle mule blanche des Alpujarras,
avait repris Fatima une fois que le groupe eut tourné vers la cathédrale.
    Jalil avait acquiescé, comme si cette révélation était
intéressante. Alors il s’était arrêté, à quelques mètres de la prison, aux
portes de laquelle s’entassaient les familles des prisonniers.
    — L’argent que gagne ton époux… Je veux dire, qui
t’entretient ?
    — Je ne sais pas, avait-elle avoué. Eux deux. Brahim et
Hernando confient ce qu’ils gagnent à Aisha. C’est elle qui gère cet argent.
    — Hernando aussi ? l’avait interrompue Jalil.
    — Bien sûr ! Même si c’est peu, sans lui nous ne
pourrions pas vivre. Brahim passe d’ailleurs son temps à s’en plaindre.
    — Et maintenant, avec le nouvel enfant, je suppose que ça
va être plus difficile encore.
    — On dirait que c’est tout ce qui le préoccupe
désormais : son nouveau fils, un garçon qui lui a rendu le sourire !
    Fatima s’était demandé si en réalité elle avait déjà vu
Brahim sourire une fois franchement, en dehors de cette moue cynique avec
laquelle, généralement, il répondait. Certainement pas, avait-elle conclu.
    — Dès qu’il n’est pas avec le petit, avait-elle
poursuivi, il passe son temps à jurer après le salaire de misère qu’on lui
donne aux champs.
    Jalil avait hoché la tête une nouvelle fois.
    — Le mari, avait-il alors récité, doit gouverner son
épouse et subvenir à ses besoins en nourriture et boisson, ainsi qu’en
vêtements, chaussures…
    Le vieux Maure avait baissé les yeux et examiné les pieds de
Fatima enfoncés dans des sabots de cuir, usés et troués, dont la semelle de
liège avait presque disparu.
    — … et lui fournir également une habitation décente.
S’il ne le fait pas, l’épouse peut demander à le quitter.
    La jeune fille avait fermé les yeux et ses ongles s’étaient
plantés dans le morceau de pain dur qu’elle portait à la prison.
    — Nos lois disent que seule l’épouse qui se marie en
sachant que son époux est pauvre perd son droit à demander le divorce si
celui-ci ne peut l’entretenir.
    — Comment puis-je demander le divorce ? s’était
écriée la jeune fille, soudaine pleine d’espoir.
    — Il faudrait que tu ailles voir l’alcali, et s’il
considère que tu as raison, il accordera à Brahim entre huit jours et deux mois
de délai pour lui permettre de gagner plus d’argent. S’il réussit, il pourra
revenir vers toi mais si, une fois passée la idda déterminée par l’alcali, il
est toujours incapable de t’entretenir convenablement, tu pourras te marier
avec quelqu’un d’autre et Brahim perdra tous ses droits sur toi.
    — Qui est l’alcali ?
    Le vieil homme avait hésité.
    — Nous… n’en avons pas. Je suppose que ce pourrait être
moi, ou Hamid, ou Karim, avait-il ajouté en faisant référence au troisième
vieillard qui composait le conseil.
    — Sans alcali, Brahim pourrait refuser d’accomplir…
    — Non.
    Le vieux Maure avait été catégorique.
    — Conformément à nos lois, il dispose de deux épouses.
Il ne peut pas y recourir quand elles l’arrangent et les refuser quand elles
l’ennuient. La communauté sera de ton côté, avec nos coutumes et nos lois.
Brahim ne pourra s’opposer en aucune façon, ni face à nous, ni face aux
chrétiens. N’es-tu pas officiellement mariée avec Hernando ?
    Fatima était demeurée pensive. Et Aisha ?
Qu’adviendrait-il d’Aisha si elle demandait le divorce ? Devant son
silence, Jalil avait

Weitere Kostenlose Bücher