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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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l’ancien
minaret musulman, devenu clocher.
    Hernando vivait à Cordoue depuis trois ans et il était passé
des dizaines de fois à côté de la mezquita ; parfois il s’était contenté
de garder les yeux au sol ; parfois il avait jeté des coups d’œil furtifs
aux murs qui, en guise de forteresse, entouraient le lieu de prière des califes
d’Occident et des milliers de fidèles qui avaient fait de Cordoue le phare
irradiant la véritable foi vers le couchant de la chrétienté.
    Mais jamais il n’avait osé y entrer. On comptait dans la
cathédrale plus de deux cents prêtres, sans compter les membres du conseil
municipal, qui célébraient quotidiennement plus de trente messes dans leurs
nombreuses chapelles.
    Abbas les rejoignit quand, une fois qu’ils eurent passé
l’entrée recouverte d’une coupole s’ouvrant derrière le grand arc en pointe de
la porte, Hernando et Fatima furent rejetés au loin par le flot de gens qui se
déversa dans le grand verger intérieur du cloître précédant l’accès à la
cathédrale, au milieu d’orangers, de cyprès, de palmiers et d’oliviers. Le maréchal-ferrant
crut deviner les pensées du jeune homme. Il se pinça les lèvres et lui fit
signe de continuer. Fatima, recouverte de la coiffe blanche qu’elle avait
portée le jour de ses noces, s’agrippa à son bras.
    Le verger du cloître était un vaste rectangle fermé et
entouré, sur trois de ses côtés, de galeries d’arcs à colonnes dont les
dimensions coïncidaient avec la façade nord de la cathédrale.
    Malgré la fraîcheur des arbres et les fontaines du verger,
les trois Maures furent sur le point de se trouver mal en voyant les centaines
de san-benito accrochés aux murs, en guise d’avertissement notoire et
permanent : l’Inquisition surveillait et sanctionnait l’hérésie. Au temps
des musulmans, les fidèles se purifiaient et faisaient leurs ablutions à quatre
points d’eau différents, deux pour les femmes et deux pour les hommes, que le
calife al-Hakam avait fait construire à l’extérieur de la mezquita, en face de
ses façades orientale et occidentale, puis pénétraient dans la salle de prière
à travers les dix-neuf portes, une par nef, qui s’ouvraient sur ses côtés et
que les chrétiens avaient bouchées. Ce jour-là, ils entrèrent dans l’enceinte
par la porte de l’arc de Bénédictions, la seule toujours ouverte dans le verger
où, à une autre époque, on avait béni les bannières des troupes qui partaient
combattre les musulmans. Une fois à l’intérieur, ils attendirent que leurs yeux
s’habituent à la lumière des lampes qui pendaient du plafond de seulement neuf
aunes de hauteur, et même Abbas, qui était déjà venu, ne put s’empêcher de
ressentir l’impression puissante qui paralysa Fatima et Hernando tandis que la
foule entrait par vagues, séparant les uns, poussant les autres. Une forêt de
presque un millier de colonnes alignées, toutes reliées entre elles par des
doubles arcades, les unes par-dessus les autres, alternant dans les arcs le
rouge des briques et l’ocre de la pierre, s’étalait devant eux, les invitant à
la prière !
    Ils restèrent immobiles quelques instants, respirant la
forte odeur d’encens. Hernando contemplait, pensif, les chapiteaux wisigoths et
romains, tous différents, situés à l’extrémité des colonnes, où ils
rejoignaient les arcs. Fatima se tenait entre les deux hommes.
    — Il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu et Mahomet est
l’envoyé de Dieu, murmura-t-elle alors, comme si une force étrangère, magique,
l’avait obligée à prononcer de telles paroles.
    — Tu es folle ? la réprimanda sévèrement Abbas,
tournant en même temps la tête pour voir si quelqu’un semblait l’avoir
entendue.
    — Oui, répondit Fatima à voix haute.
    Et elle avança, caressant son ventre proéminent, vers
l’intérieur de la mezquita.
    Du regard, Abbas supplia Hernando d’empêcher son épouse de
commettre le moindre esclandre. Le jeune homme rejoignit aussitôt la jeune
fille et posa sa main sur son ventre.
    — Pense à notre enfant, lui dit-il.
    Fatima parut se réveiller.
    — Un jour je t’ai juré que je mettrais les chrétiens à
tes pieds ; aujourd’hui je te jure qu’un jour nous prierons le Dieu unique
dans ce lieu saint.
    Elle avait les yeux mi-clos. Nul compromis n’avait l’air
suffisant pour elle.
    — Je le jure, par Allah, ajouta Hernando à voix basse.
    — Ibn Hamid,

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