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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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persuadé que c’était pour prier, dans une sorte de défi à la
présence du prêtre.
    — C’est une œuvre de charité, se justifiait Hernando
pour répondre à l’interrogation de don Alvaro au sujet de cet invisible
vieillard qui, selon les registres de la paroisse, était recensé dans la
maison. Il s’agit d’un vieux malade qui vivait dans notre village des
Alpujarras et, en bon chrétien, je ne pouvais pas le laisser mourir dans la
rue. Il souffre de fièvres récurrentes. Voulez-vous le voir ?
    Le prêtre buvait une gorgée de vin, balayait du regard le
charmant jardin et, pour sa tranquillité, hochait négativement la tête.
Pourquoi se serait-il approché d’un vieillard fiévreux ?
    Ainsi donc, après que don Alvaro eut vérifié une fois de
plus la bonne mémoire des enfants, les conversations se poursuivaient entre
Hernando et lui dans la galerie, en tête à tête. De l’autre côté du patio,
Aisha ou Fatima veillait à ce qu’ils ne manquent ni de vin ni de gâteaux.
Récemment, un exemplaire des Institutions de Calvin, édité en Angleterre
dans la langue espagnole, était arrivé entre les mains d’Hernando et de don
Julián. Nombreux étaient les livres protestants publiés en castillan en
Angleterre, Hollande ou Zélande, qui voyageaient clandestinement dans les
royaumes de Philippe II. Le roi et l’Inquisition luttaient de toutes leurs
forces pour maintenir pure et intouchable la foi catholique, libre de toute
influence hérétique, au point que depuis vingt ans le monarque avait interdit
aux étudiants espagnols de fréquenter les universités étrangères à l’exception,
bien sûr, de celles, pontificales, de Rome et Bologne.
    Beaucoup de Maures voyaient d’un œil bienveillant les
doctrines protestantes, surtout les Aragonais, à cause de leur proximité
géographique avec la France et le Béarn, où ils fuyaient pour se convertir au
christianisme, mais en reniant le catholicisme. Les attaques des protestants
contre le pape et les abus du clergé, le commerce des bulles et des
indulgences, la condamnation de l’utilisation d’images comme objets de culte ou
de dévotion, le pouvoir de n’importe quel croyant d’interpréter les textes
sacrés en marge de la hiérarchie ecclésiastique et la vision rigide de la
prédestination constituaient des points d’union entre deux religions
minoritaires qui luttaient pour résister aux attaques de l’Église catholique.
    Hernando en avait discuté avec don Julián, et aussi avec
Hamid, et tous déploraient ce rapprochement entre les musulmans et ceux qui, en
définitive, restaient malgré tout des chrétiens, en dépit de la sympathie
qu’ils pouvaient éprouver envers cette tendance.
    — Au bout du compte, alléguait le prêtre, les
protestants cherchent à se retrouver, avec les Écritures, au sein du
christianisme, et les Maures convertis ne prétendent à aucune réforme, mais à
leur simple destruction. Les positions syncrétiques entre les doctrines
luthériennes et musulmanes, qu’on commence à percevoir dans certains écrits
polémiques des croyants eux-mêmes, réussissent seulement à fragiliser le
véritable objectif de la communauté maure.
    Dès que don Alvaro quittait la maison, après avoir renié les
luthériens et les attaques qu’ils formulaient à l’encontre du mode de vie du
clergé catholique, Hamid sortait de sa chambre, indigné, et, invariablement,
renversait le reste du vin dans le canal d’écoulement.
    — Ça coûte de l’argent, protestait Hernando.
    Cependant il lui permettait cette petite vengeance,
s’efforçant de cacher son sourire.
     
    Déjà depuis l’époque de l’empereur Charles Quint, les finances
de la monarchie se trouvaient toujours en faillite. Cela faisait alors cinq ans
que le royaume avait suspendu ses paiements ; les immenses fortunes d’or
et d’argent, qui arrivaient du Nouveau Monde, ne parvenaient même pas à couvrir
les frais des armées espagnoles, auxquels s’ajoutait le coût démesuré de la
luxueuse cour de Bourgogne, dont l’empereur avait adopté le protocole.
L’Espagne disposait de quantités considérables de matières premières, dont elle
ne tirait pas les bénéfices dus : la précieuse laine mérinos de Castille
était vendue brute à des commerçants étrangers, qui la travaillaient et la
revendaient ensuite en Espagne dix ou vingt fois plus cher. C’était pareil pour
le fer, la soie et beaucoup d’autres matières premières ; et

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