Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
Vom Netzwerk:
la
culture de son peuple, de façon verbale, aux Mauresques, afin que celles-ci
fassent de même avec leurs enfants et leurs époux.
    Aidée patiemment par Hernando et Hamid, qui l’avaient
écoutée et corrigée tendrement, elle avait appris par cœur certaines sourates
du Coran, les préceptes de la Sunna et les prophéties maures les plus connues
de la communauté.
    Chaque jour, avec son beau voile blanc brodé qui lui
couvrait les cheveux, elle se rendait au marché puis à ce qui n’étaient
apparemment que d’innocentes réunions de petits groupes de femmes oisives
cancanant dans une de leurs maisons autour d’une citronnade.
    Parfois elle quittait la maison en même temps qu’Hernando,
et tous deux passaient alors un long moment à se dire au revoir avant que leurs
chemins ne se séparent. Ensuite, comme s’il s’agissait d’un jeu, l’un des deux
tournait la tête et contemplait avec orgueil la façon dont l’autre allait
remplir son devoir, que Dieu leur imposait et dont leur peuple leur savait gré.
Quelquefois, ce dernier regard entre eux coïncidait : alors ils se
souriaient et s’encourageaient d’imperceptibles gestes de la main.
    — Nous sommes appelées, nous les femmes, à transmettre
les lois de notre peuple à nos enfants, disait Fatima, exhortant les
Mauresques. Nous ne pouvons pas les laisser les oublier, comme le prétendent
les prêtres. Les hommes travaillent et rentrent, épuisés, chez eux, quand leurs
enfants dorment déjà. De plus, un enfant ne dénoncera jamais sa mère aux chrétiens.
    Et devant toutes petites assemblées de femmes attentives à
ses paroles, elle récitait, encore et encore, certains préceptes du Coran, que
les Mauresques répétaient en murmurant. Enfin, elle ajoutait l’interprétation
qu’Hamid lui avait donnée.
    Jour après jour, Fatima répétait son enseignement à
différents auditoires. Et chaque fois, après avoir traité d’un précepte
coranique, les femmes lui demandaient de leur réciter un gufur, une des
prophéties auxquelles elles croyaient, dictées pour leur peuple, pour les
musulmans d’Al-Andalus, qui prédisaient le retour de leurs coutumes, de leur
culture et de leurs lois. Leur victoire !
    — Les Turcs marcheront avec leurs armées sur Rome, et
aucun chrétien n’en réchappera, sauf ceux qui se convertiront à la loi du Prophète ;
les autres seront faits prisonniers ou tués, récitait-elle alors. Vous
comprenez ? Ce jour est déjà venu : les chrétiens nous ont vaincus.
Pourquoi ?
    — Parce que nous avons oublié notre Dieu, avait répondu
une fois, abattue, une matrone d’un certain âge, qui connaissait la prophétie.
    — Oui, avait confirmé Fatima. Parce que Cordoue est
devenue un lieu de vice et de péché. Parce que tout Al-Andalus est tombé dans
la luxure de l’hérésie.
    Beaucoup baissaient alors la tête. N’était-ce pas
vrai ? N’y avait-il pas eu du relâchement dans l’accomplissement de leurs
obligations ? Tous les Maures se sentaient coupables et acceptaient le
châtiment : l’occupation de leurs terres par les chrétiens, l’esclavage et
l’ignominie.
    — Mais ne vous inquiétez pas, tentait de les encourager
Fatima. La prophétie continue ; le livre divin le dit : vous n’avez
pas vu par hasard les chrétiens vaincre sur un bout de terre et, après avoir
vaincu, être eux-mêmes vaincus en quelques jours ? Ce jugement est celui de
Dieu : avant et après, les croyants ont été victorieux. Il aide celui qui
le sert, et de la promesse de Dieu il ne manquera pas un point.
    Et, peu à peu, elles regardaient à nouveau Fatima. Sur leur
visage, l’espoir était revenu.
    — Nous devons lutter ! les haranguait-elle. Nous
ne pouvons pas nous résigner au malheur. Dieu nous observe. Les prophéties
s’accompliront !
     
    Un soir de printemps, Hernando rentrait, épuisé, chez lui.
Pendant la journée, ils avaient dû préparer le voyage de plus de quarante
chevaux au port de Carthagène, où un navire les attendait pour les emmener à
Gênes et, de là, en Autriche. Le roi Philippe avait décidé d’offrir ces
fougueux chevaux à son neveu l’empereur et aux archiducs, le duc de Savoie et
le duc de Mantoue. Conformément à l’ordre du roi, on avait d’abord choisi ceux
qui devaient être envoyés à Madrid pour son usage personnel et celui du prince,
puis les exemplaires qui seraient offerts. Don Diego López de Haro avait passé
toute la journée aux écuries. Il avait

Weitere Kostenlose Bücher