Les révoltés de Cordoue
honteusement, sa main droite.
Hernando, ignorant sa main, s’accroupit devant lui.
— Ta mère t’a-t-elle parlé de ton oncle
Gonzalico ?
L’enfant fit oui de la tête.
— C’était un garçon très, très courageux.
Hernando sentit une boule se former dans sa gorge et il
toussota avant de continuer.
— Es-tu aussi courageux que lui ?
Gonzalico regarda sa mère, qui acquiesça d’un sourire.
— Oui, affirma-t-il.
— Un jour, nous sortirons nous promener à cheval,
d’accord ? Le mien appartient aux écuries du roi Philippe, le meilleur
d’Andalousie.
Les yeux du petit s’écarquillèrent. Son frère lâcha la robe
de sa mère et s’approcha d’eux.
— Lui, c’est Ponce, dit Isabel.
— Comment s’appelle-t-il ? demanda Gonzalico.
— Le cheval ? Volador. Vous voudriez le
monter ?
Les deux enfants secouèrent vigoureusement la tête.
Hernando leur ébouriffa les cheveux et se releva.
— Mon compagnon, don Sancho, indiqua-t-il en désignant
l’hidalgo qui, après s’être avancé d’un pas, s’inclina devant la main que lui
présenta Isabel.
Hernando observa la jeune femme, tandis qu’elle répondait
aux questions courtoises et empressées de don Sancho. La fillette terrorisée de
jadis était devenue une femme superbe. Pendant quelques instants, il la
contempla. Se sachant observée, elle souriait et bougeait avec grâce. Lorsque
l’hidalgo se retira d’un pas et qu’Isabel posa de nouveau le regard sur
Hernando, ses yeux noisette lui renvoyèrent des milliers de souvenirs. Hernando
frissonna. Et, comme s’il voulait se débarrasser de ces sensations, il la
pressa de lui raconter quelle avait été sa vie au cours de toutes ces années.
47.
Le juge don Ponce de Hervás, au caractère austère et
réservé, exprima à Hernando une telle gratitude qu’elle surprit jusqu’aux
domestiques de la maison. C’était un petit homme au visage rond, aux traits
mous, bien en chair, toujours vêtu de noir et qui mesurait une tête de moins
que son épouse, pour laquelle il montrait de l’adoration. Il logea son invité
dans une chambre dépouillée au deuxième étage de la villa, près des
appartements du couple, avec accès à une terrasse qui donnait sur les jardins,
face à l’Alhambra. Don Sancho fut installé au même étage, non loin des enfants,
à l’autre bout d’un long couloir plein de détours qui traversait la demeure.
Cependant, la présence d’Hernando ne modifia en rien les
habitudes de don Ponce, qui se consacrait à son travail comme s’il y trouvait
une reconnaissance non obtenue auprès de la protégée d’un grand d’Espagne qui,
d’un seul geste de la main, d’un mot ou d’un sourire, éclipsait le petit juge.
Don Sancho, de son côté, demanda l’autorisation à Isabel de rejoindre des
parents et des connaissances à lui dans Grenade. Hernando, par conséquent, se
retrouva seul dans la villa, passant ses journées au côté d’Isabel et de ses
enfants.
Avec l’aval du magistrat, Hernando utilisa les premiers
jours le bureau de ce dernier, au rez-de-chaussée, pour écrire au duc et
l’informer du résultat de son enquête.
« Il faudrait établir sur place un commerce de la
soie », proposa-t-il après l’avoir averti du caractère paresseux des gens
et des problèmes qu’il avait rencontrés lors de ses investigations dans les
Alpujarras. « Ainsi, les habitants ne seraient plus contraints de brader
leurs soies à Grenade, comme c’est apparemment le cas aujourd’hui, et
économiseraient des frais de déplacement jusqu’à la ville. De toute façon, les
nombreux métiers à tisser de Grenade n’en seraient pas affectés, puisqu’ils se
fournissent en soie ailleurs que dans les Alpujarras… »
Des rires d’enfants le tirèrent de son travail. Hernando se
leva du bureau en bois ouvragé du juge et s’approcha d’une porte-fenêtre,
entrouverte pour laisser entrer la brise provenant du jardin principal de la
villa, mince et long, qui courait sur un côté du bâtiment au niveau du
rez-de-chaussée. En son centre, un bassin alimenté de fontaines disposées
autour par intervalles occupait toute son étendue. Le jardin était couvert de
treilles soutenues par des arcs. En cette saison printanière, elles étaient
resserrées et formaient un tunnel frais et agréable qui s’achevait sur une
gloriette. Au pied des treilles se trouvaient disposés des bancs sculptés d’où
l’on pouvait contempler les
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