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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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raison de vous taire, trancha alors le
doyen Fonseca. L’humilité est une grande vertu, et l’on peut excuser ceux qui
ont choisi de fuir, à cause de la peur de la mort ou de la torture. Cependant,
j’espère que votre silence ne s’étendra pas aux hérétiques qui ont versé tant
de sang chrétien et commis tant de sacrilèges et de profanations.
    Hernando fixa ses yeux bleus sur le doyen.
    — L’archevêque de Grenade mène actuellement une enquête
sur les martyrs des Alpujarras. Nous disposons de renseignements et des
centaines de déclarations des veuves qui ont perdu leurs époux et leurs enfants
au cours des différents massacres, mais il va de soi que la collaboration de
quelqu’un comme vous, un bon chrétien qui a vécu cette tragédie du côté des
Maures, mélangé à eux, constituerait une source précieuse et indispensable.
Nous avons besoin que vous nous aidiez dans cette investigation sur les
martyrs. Que s’est-il passé ? Quand ? Où ? Comment ? Qui a
ordonné et qui a exécuté ?
    — Mais…, bredouilla Hernando.
    — Grenade doit accréditer ces martyrs à Rome,
l’interrompit le corregidor. Cela fait presque cent ans, depuis que la ville a
été reconquise par les Rois Catholiques, que nous cherchons les restes de son
patron, San Cecilio, mais tous les efforts sont inutiles. Cette ville devrait
pouvoir être comparée aux autres sièges chrétiens des royaumes : Saint-Jacques,
Tolède, Tarragone… Grenade a été la dernière ville arrachée aux Maures, et elle
manque de martyrs chrétiens comme l’apôtre Jacques ou San Ildefonso. Ce sont
précisément ces courageux chrétiens qui rendent leurs villes plus grandes. Sans
saints, sans martyrs, sans histoire chrétienne, une ville n’est rien.
    — Vous savez que je vis à Cordoue, dit Hernando.
    C’était la seule excuse qui lui venait à l’esprit, face aux
regards des commensaux rivés sur lui.
    — Cela ne pose aucun problème, s’empressa de répliquer
le doyen, espérant fermer ainsi la porte à toute autre impossibilité.
L’archevêque vous octroiera les cédules et l’argent nécessaires à vos
déplacements.
    — Je savais que pour une si sainte et juste cause, nous
pourrions compter sur vous, renchérit alors don Ponce en lui tapant sur
l’épaule. Dès que j’ai appris l’intérêt de l’Église grenadine à votre
participation, j’ai écrit au duc de Monterreal pour demander sa permission,
mais ce n’était pas nécessaire.
    Quelqu’un leva son verre de vin et, aussitôt, les invités
les plus proches d’Hernando trinquèrent avec lui.
    Le dîner prit fin et les musiciens se déplacèrent à
l’intérieur de la maison, dans le salon principal, préalablement vidé de tous
ses meubles. Une partie des convives se dispersa en groupes dans les jardins ou
sur la grande terrasse qui, du salon, s’élevait au-dessus du lit du Darro, en
face de l’Alhambra, avec l’Albaicín à ses pieds ; une autre se prépara à
danser. Hernando vit don Sancho qui lambinait dans la pièce, attendant la
musique, et envia son allégresse et son insouciance. Il ne lui manquait plus
que cette mission pour l’archevêque ! Sa propre mère lui avait tourné le
dos et maintenant il fallait qu’il travaille pour l’Église… qu’il dénonce ses
frères !
    Il écouta la musique et observa les hommes et les femmes qui
dansaient, en cercles ou en rangs, en couples ou en groupes, s’approchant les
uns des autres, souriant, se courtisant parfois, sautant tous ensemble, comme
l’avait fait l’hidalgo dans le palais de don Alfonso. Il reconnut Isabel avec
sa robe verte et ses chaussures, qui ressortaient vivement dès que son jupon se
soulevait du sol mais qui, malgré leur hauteur, ne l’empêchaient pas de danser
avec élégance. Il remarqua à plusieurs reprises qu’elle le regardait à la
dérobée.
    Pendant le bal, il dut bavarder avec de nombreuses personnes
qui vinrent le saluer, et répondre à leurs questions, même si ses pensées
étaient ailleurs.
    Toute sa vie s’était déroulée de la même manière,
songea-t-il tandis qu’une dame vêtue de bleu, à qui il ne prêtait guère
attention, lui faisait la conversation. Il avait passé son existence entière
ballotté entre chrétiens et musulmans. Fils d’un prêtre qui avait violé une
Mauresque, accusé d’être chrétien, on avait voulu le tuer, enfant, dans
l’église de Juviles ; plus tard, Abén Humeya l’avait distingué comme le
sauveur du

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