Les révoltés de Cordoue
ne semble guère t’importer, reprit-il
ensuite, pense qu’en persistant dans ce comportement, tu brises celle d’Isabel.
Hernando se surprit à acquiescer au discours de son
compagnon. Comme sa détermination avait peu duré ! Mais l’hidalgo avait
raison. Comment pourrait-il encore s’approcher d’Isabel ? Sa silhouette,
vêtue de noir et déambulant tête basse dans les jardins cet après-midi,
contrastant avec le port altier et défiant de doña Angela, l’avait convaincu.
De plus, si les rumeurs étaient parvenues aux oreilles du juge… C’était de la
folie !
— D’accord, céda-t-il. Nous partirons demain matin.
Cette nuit-là, Hernando commença à préparer ses affaires
pour le voyage. Parmi ses habits, il retrouva ceux que le juge lui avait
achetés pour la fête ; le soir où il les avait portés, Isabel… Cela avait
été une erreur, tenta-t-il de se persuader. De quel droit pouvait-il, comme le
disait don Sancho, briser la vie d’une femme digne ? Certes, il sentait
qu’elle le désirait, chaque fois davantage, mais peut-être en effet avait-il
abusé d’un être qui lui devait sa gratitude. Il regarda autour de lui ;
oubliait-il quelque chose ? Et ces vêtements-là ? Il les attrapa et
les jeta par terre, loin de lui, dans un coin de l’alcôve. C’était faux, il
n’avait pas profité de l’ingénuité d’Isabel, ainsi que le lui reprochait don
Sancho ! C’était elle qui s’était collée contre lui pendant le feu
d’artifice et lui avait pris la main. Dans tous les cas, ça ne changeait
rien : il rentrerait à Cordoue.
Hernando se laissa tomber dans un fauteuil orné de fils
d’argent. Son regard se perdit sur l’Alhambra et le jeu de lumières dorées et
d’ombres qu’arrachaient aux pierres les torches et la lune. Il était plus de
minuit. La villa était silencieuse ; l’Albaicín était silencieux ;
tout Grenade semblait l’être ! Une brise capricieuse rafraîchissait
l’atmosphère et parvenait à faire oublier la chaleur suffocante de la journée.
Hernando s’abandonna, ferma les yeux et respira profondément.
— Ce sera la première fois que la lune nous
accompagnera.
Il sursauta. Isabel, dans une simple chemise de nuit, se
trouvait sur la terrasse, belle, sensuelle, l’Alhambra se découpant derrière
elle.
— Que fais-tu ici… ? Et ton mari ?
Hernando se leva du fauteuil.
— Je l’ai entendu ronfler de ma chambre. Et doña Angela
s’est retirée depuis longtemps.
Toujours sur la terrasse, Isabel fit glisser de ses épaules
sa chemise et apparut entièrement nue. Hernando la contempla : intrépide,
fière, l’invitant à jouir d’elle. Il en resta paralysé. Même la lune, avec ses
reflets, paraissait caresser ce corps splendide !
— Isabel…, murmura le Maure, sans pouvoir quitter des
yeux ses seins, ses hanches, son ventre, son pubis…
— Tu pars demain, m’a dit Ponce. Il ne nous reste que
cette nuit.
Hernando s’avança vers elle et tendit la main pour la faire
entrer dans sa chambre. Il ramassa sa chemise et ferma les portes de la
terrasse. Puis il se tourna vers elle et voulut lui dire quelque chose, mais la
jeune femme posa ses doigts sur ses lèvres pour l’en empêcher. Elle l’embrassa,
doucement. Il la caressa. Isabel prit ses mains et les écarta de son corps.
— Laisse-moi faire, le supplia-t-elle.
C’était leur dernière nuit ! Elle commença à dégrafer
sa chemise. Elle voulait prendre l’initiative, elle ! Elle désirait ce
plaisir que lui avait tant promis Hernando. Elle se surprit à remarquer la
fermeté de ses propres mains lorsqu’elles caressèrent les épaules du Maure pour
faire glisser sa chemise dans son dos. Puis elle embrassa son torse et dirigea
les doigts vers ses chausses. Elle hésita un instant et s’agenouilla devant
lui.
Hernando soupira.
Isabel l’embrassa, le lécha, puis ils avancèrent vers le
lit. Pendant un long moment, la douce lumière d’une simple lampe éclaira les
silhouettes d’un homme et d’une femme, brillants de sueur, qui se parlaient par
murmures tout en s’embrassant, se caressant et se mordant sans hâte. C’est
Isabel qui lui demanda de la pénétrer, comme si elle était prête, comme si elle
avait enfin compris le sens de toutes ces paroles qu’Hernando lui avait tant de
fois répétées. Et ils ne firent plus qu’un seul corps. Les gémissements
assourdis d’Isabel augmentèrent. Hernando les fit taire d’un long
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