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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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loin et resta sur le seuil à les observer,
comme s’il attendait son tour pour lui parler.
    — Pourquoi ne pourrions-nous pas retrouver
notre… ?
    — J’ai cru comprendre que tu travaillais maintenant
pour l’archevêque de Grenade, l’interrompit Aisha. C’est exact ?
    Hernando tituba. Comment pouvait-on déjà le savoir ?
    — On raconte qu’à présent tu te consacres à trahir la
mémoire de tes frères des Alpujarras…
    — Non ! protesta-t-il, le visage en feu.
    — Tu travailles pour les papes, oui ou non ?
    — Oui, mais ce n’est pas ce qu’on croit.
    Hernando se tut. Don Pedro et les traducteurs avaient exigé le
secret absolu autour de leur projet, et ils l’avaient fait jurer au nom
d’Allah.
    — Fais-moi confiance, mère, l’implora-t-il.
    — Comment le pourrais-je ? Plus personne ne te
fait confiance !
    Tous deux demeurèrent silencieux. Hernando aurait voulu la
prendre dans ses bras. Il tendit la main vers elle, mais Aisha s’écarta.
    — Tu veux autre chose, mon fils ?
    Pourquoi ne pas tout lui raconter ?
    « Jamais à une femme ! s’était écrié don Pedro
quand il avait évoqué auprès de lui la possibilité de se confier à sa mère.
Elles parlent. Elles n’arrêtent pas de piailler sans retenue. Même ta
mère. » Il l’avait ensuite obligé à prêter serment.
    — La paix soit avec toi, mère, dit-il finalement en
retirant sa main.
    La gorge nouée, il la regarda s’éloigner dans la rue, très lentement.
Puis il toussota et se dirigea vers l’endroit où l’attendait le maître
tisserand. Après les saluts de rigueur, celui-ci lui demanda de tenir sa
promesse : la maison du duc devait lui acheter de la marchandise.
    — Je t’ai promis d’intercéder pour que le duc
s’intéresse à tes produits, lui répondit Hernando. Qu’il achète ou non ne
dépend pas de moi.
    — S’il vient, il achètera, affirma le maître en
montrant l’intérieur de sa boutique.
    Hernando jeta un coup d’œil : c’était un bon
établissement. La lumière, comme l’obligeait la loi, entrait à flots par les
fenêtres ouvertes, sans volets ni stores, afin que les acheteurs apprécient
avec netteté la marchandise : les pièces de velours, satin ou damas
étaient exposées au public sans aucune réclame ou ruse qui puisse induire en
erreur.
    — J’en suis certain, approuva Hernando. Je te remercie
de ce que tu as fait pour ma mère. Dès que je verrai le duc…
    — Ton seigneur, coupa le tisserand, peut mettre des
mois à revenir à Cordoue.
    — Ce n’est pas mon seigneur.
    — Parle avec la duchesse alors.
    L’expression d’Hernando fut assez éloquente pour que le
maître fronce les sourcils.
    — Nous avons fait un marché. J’ai tenu parole. À ton
tour.
    — Je le ferai.
    Il n’avait pas le choix, se dit-il dès qu’il tourna le dos
au tisserand. Sa mère n’accepterait pas un seul réal de sa poche. Et il ne
pouvait pas consentir à la laisser vivre dans la misère alors qu’il disposait
d’une rente considérable. Elle était la seule personne qui lui restait, même si
elle le repoussait. Un jour il pourrait lui dire la vérité, tenta-t-il de se
réconforter tandis qu’il passait devant les bancs de pierre adossés au mur
aveugle du couvent de San Pablo. Le cadavre d’une jeune femme trouvé dans les
champs par les frères de la Miséricorde, entouré par un groupe de gamins qui le
contemplaient bouche bée, lui rappela l’époque où jour après jour il venait là,
le souffle coupé, redoutant de voir exposé au public le corps de Fatima ou d’un
de ses enfants.
    Fatima était revenue à sa mémoire avec une force
inaccoutumée. Quelques jours plus tôt, lorsqu’il avait quitté Grenade, Hernando
avait fait une halte dans la vega et s’était retourné pour contempler la ville
des rois nasrides. Isabel restait là-bas. Cependant, les nuages qui se
dessinaient au-dessus de la montagne, avec leurs formes et couleurs
capricieuses où les anciens avaient puisé tant de prédictions, lui avaient
montré le visage de Fatima.
    Quelqu’un, peut-être don Sancho, avait fait du bruit dans
son dos, afin d’attirer son attention pour qu’ils reprennent leur chemin ;
l’hidalgo se montrait sec et distant avec lui. Hernando n’avait pas bougé. Ses
yeux étaient rivés à ce nuage qui semblait lui sourire.
    — Allez-y. Je vous rejoindrai, avait-il dit.
    Trois ans avaient passé depuis qu’Ubaid avait assassiné
Fatima et les

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