Les révoltés de Cordoue
de l’alfange joua sur sa nuque.
— Je ne suis ni un renégat ni un traître, assura-t-il
avec détermination. Celui qui vous a dit une telle chose…
— … te connaît bien.
Hernando ne pouvait presque pas parler. La lame appuyait de
nouveau sur sa gorge.
— Demandez à Munir ! bafouilla-t-il. L’uléma de
Jarafuel. Il vous dira…
— Si nous lui racontions tout ce que nous savons sur
toi, c’est lui qui te tuerait, sans aucun doute, alors que c’est à nous de le
faire. La vengeance…
— Vengeance ? s’empressa-t-il de demander. Quel
mal ai-je pu vous faire pour que vous réclamiez vengeance ? Si je suis un
renégat et un traître, que le roi me juge.
L’un des hommes s’accroupit à côté de lui, son visage tout
près du sien, Hernando pouvait sentir son haleine chaude. Ses Paroles étaient
emplies de haine.
— Ibn Hamid, murmura-t-il.
En entendant ce nom, Hernando ne put s’empêcher de trembler.
Étaient-ils des Alpujarras ? Que signifiait… ?
— Tu aimais bien qu’on t’appelle ainsi, n’est-ce
pas ?
— C’est ainsi que je m’appelle.
— Le nom d’un traître !
— Je n’ai jamais trahi personne. Qui es-tu pour
soutenir une telle infamie ?
L’homme fit signe à un autre, qui courut vers la clairière
et revint avec une torche enflammée.
— Regarde-moi, Ibn Hamid. Je veux que tu saches qui va
mettre fin à ta vie. Regarde-moi… père.
L’homme approcha la torche et Hernando vit alors d’immenses
yeux bleus remplis de fureur rivés sur lui. Ces traits, ce visage…
— Mon Dieu, murmura-t-il, désemparé. Ce n’est pas
possible !
Il était bouleversé. Des milliers de souvenirs se heurtèrent
dans sa tête. Plus de vingt ans avaient passé…
— Francisco ?
— Il y a longtemps que je m’appelle Abdul, répondit
durement son fils. Et lui, c’est Shamir, tu t’en souviens ?
Shamir ! Hernando essaya de l’identifier parmi les
trois autres hommes, mais aucun d’eux ne s’avança dans l’ombre. La confusion
s’empara de lui : Francisco était vivant… Shamir aussi. Ils avaient réussi
à échapper à Ubaid ? Mais sa mère… Aisha lui avait certifié qu’ils étaient
morts, qu’elle avait vu de ses propres yeux le muletier les tuer dans la
montagne.
— On m’a juré que vous étiez morts ! s’écria-t-il.
J’ai cherché… Je vous ai cherchés pendant des semaines, j’ai sillonné la
montagne pour trouver vos corps. Celui d’Inès… et de Fatima.
— Lâche ! l’insulta Shamir.
— Ma mère a attendu…, nous avons tous attendu, pendant
des années, que tu viennes nous délivrer, ajouta Abdul. Chien ! Tu n’as
pas bougé le petit doigt pour ton épouse, ta fille, ton demi-frère. Pour
moi !
Hernando se sentit au bord de l’asphyxie. Que venait de dire
son fils ? Que sa mère avait attendu… Sa mère ! Fatima !
— Fatima est vivante ? demanda-t-il avec un filet
de voix.
— Oui, père, cracha Abdul. Elle est vivante… Et
ce n’est pas grâce à toi. Nous avons tous survécu. Nous avons dû supporter la
haine de Brahim, la sentir dans notre chair. Elle plus que nous encore !
Et pendant ce temps, tu oubliais ta famille et trahissais ton peuple. Ce chien
de Brahim l’a payé de sa vie, je te le certifie. Maintenant c’est à toi de nous
rendre des comptes !
Brahim ! Hernando ferma les yeux, laissant la vérité
pénétrer en lui. Brahim avait pris sa revanche : il était revenu chercher
Fatima et s’était également vengé de lui en lui prenant ses enfants, tous ceux
qu’il aimait… Comment n’y avait-il jamais pensé ? Il était venu les
chercher et les avait enlevés… Mais alors… Et le voile blanc de Fatima ?
Il l’avait vu autour du cou du cadavre d’Ubaid ! Comment était-ce
possible ? Ubaid et Brahim ensemble ? Une pensée horrible lui
traversa l’esprit. Sa mère savait forcément ! Aisha lui avait dit qu’Ubaid
les avait tous tués. Aisha avait juré, craché, qu’elle avait assisté à la mort
de Fatima et des enfants… Aisha lui avait menti. Pourquoi ? Cette idée lui
fut insupportable. Et malgré l’alfange, malgré Francisco et l’homme qui tenait
la torche près de leurs visages, Hernando s’écroula sur le sol. Dans sa
poitrine, son cœur battait la chamade, prêt à exploser. Dieu ! Fatima
était vivante ! Il voulut pleurer, mais ses yeux refusaient de verser une
seule larme. Il se recroquevilla davantage à cause des convulsions qui
brusquement
Weitere Kostenlose Bücher