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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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renégat, un traître à notre foi.
    Munir ne put retenir un éclat de rire.
    — Un renégat ? Tu ne sais pas ce que tu dis.
    Abdul fronça les sourcils. Ses yeux bleus trahissaient le
doute.
    — Il existe peu de gens en Espagne qui autant que lui
ont lutté et luttent encore pour notre cause.
    Abdul fléchit. Shamir, abandonnant le groupe qui entourait
Hernando, s’approcha.
    — Et qui es-tu pour affirmer cela ? demanda-t-il
en se plantant devant lui.
    L’uléma put alors apercevoir Hernando. Son ami paraissait
abattu, tête basse, absent. Il ne s’intéressait même pas à la conversation qui
se déroulait tout près de lui. Que lui arrivait-il ?
    — Je m’appelle Munir, répondit-il. Je suis l’uléma de
Jarafuel et de la vallée de Cofrentes.
    — Nous savons, annonça alors Shamir, que cet homme
collabore avec les chrétiens et qu’il a trahi les Maures. Il mérite de mourir.
    Hernando ne réagissait toujours pas.
    — Qu’en savez-vous, vous autres ? s’écria Munir.
D’où venez-vous ? D’Alger ? De Tétouan ?
    — Nous, de Tétouan, répondit Abdul avec le respect dû à
un uléma ; les autres…
    Munir profita de l’indécision de celui qui semblait
commander les Arabes pour se dégager. Il lui coupa la parole :
    — Vous vivez de l’autre côté du détroit, aux
Barbaresques, où l’on peut pratiquer librement la foi véritable.
    L’uléma ferma les yeux et hocha la tête.
    — Moi-même je communie tous les dimanches. Je confesse
mes péchés chrétiens pour obtenir la cédule qui me permet de me déplacer.
Souvent je suis obligé de manger du porc et de boire du vin. Me considérez-vous
aussi comme un renégat ? Tous les Maures que vous avez vus ce soir se
plient aux ordres de l’Église ! Comment, sinon, pourrions-nous survivre et
maintenir vivante notre religion ? Hernando a travaillé pour le Dieu
unique autant ou plus qu’aucun d’entre nous. Croyez-moi, vous ne connaissez pas
cet homme.
    — Nous le connaissons bien. C’est mon père, révéla
Abdul.
    — Et mon demi-frère, ajouta Shamir.
    Passé le choc de cette révélation, Munir tenta de convaincre
les deux jeunes Arabes du travail souterrain d’Hernando en faveur de la
communauté. Il leur parla de ses écrits, de ses années de travail, des plombs
et de la Torre Turpiana, du Sacromonte et de don Pedro de Granada
Venegas ; d’Alonso del Castillo et de Miguel de Luna, de l’évangile de
Barnabé et de leurs intentions. Il leur expliqua qu’Hernando les avait tous
crus assassinés par Ubaid.
    — Sa mère n’a jamais rien su de ses activités,
répliqua-t-il à Abdul quand celui-ci évoqua la réaction d’Aisha à la lettre de
Fatima apportée à Cordoue par le juif Efraín. Hernando avait dû garder le
secret… même devant sa mère. Pour elle, comme pour tous les autres, son fils
était un renégat, un chrétien. Hernando était persuadé que vous étiez morts.
Croyez-moi. Il n’a jamais su pour cette lettre.
    Il leur raconta aussi qu’il avait beau être marié avec une
chrétienne, il devait être le seul Maure à prier dans la mezquita de Cordoue.
    — Il a juré à ta mère qu’il prierait devant le mihrab,
continua-t-il en s’adressant à Abdul, conscient que mentionner l’épouse
chrétienne d’Hernando pouvait attiser chez ces corsaires la soif de vengeance.
    Pendant quelques instants, on entendit avec netteté
l’agitation, les discussions et les adieux des Maures dans la clairière. Munir
observa qu’Abdul et Shamir dirigeaient leur regard vers Hernando. Avait-il
réussi à les convaincre ?
    — Il a aidé des chrétiens lors de la guerre des
Alpujarras, marmonna soudain Abdul.
    Son expression était dure ; le bleu de ses yeux
glacial.
    — Il s’est juste libéré de l’esclavage, et il l’a fait
avec un chrétien, en effet, mais…, essaya de l’excuser l’uléma.
    — Ensuite il a collaboré avec les chrétiens de Grenade,
l’interrompit Abdul, en dénonçant les Maures qui s’étaient révoltés.
    — Et les autres chrétiens à qui il a sauvé la
vie ? renchérit Shamir.
    Munir tressaillit. Il n’avait jamais entendu parler d’autres
chrétiens. Le corsaire saisit cet instant de doute pour s’affranchir du respect
avec lequel il avait écouté les explications de l’uléma.
    — Il en a sauvé beaucoup d’autres. Tu ne le savais
pas ? Il ne te l’avait pas raconté ? Ce n’est qu’un lâche.
Lâche ! cria-t-il à Hernando.
    — Traître !

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