Les révoltés de Cordoue
mariée dans l’honneur
et selon la Sunna du Prophète.
— Si vous avez dit la vérité, termina l’uléma, qu’Allah
soit votre témoin et vous donne Sa grâce. Mais si vous avez menti, qu’Allah
vous détruise et vous maudisse !
Avant que le roi commence la lecture de la trente-sixième
sourate du Coran, Fatima leva les yeux au ciel : « Qu’Allah nous
détruise », implora-t-elle en silence.
Tout ce qu’on put voir de Fatima chevauchant la mule blanche
qu’un esclave noir tirait par le licou furent ses pieds tatoués au henné ;
la mariée était portée en amazone, vêtue d’une tunique, blanche aussi, qui la
voilait entièrement. Ainsi, applaudie et acclamée par des milliers de Maures,
Fatima parcourut le village avant de revenir à la demeure. Elle monta ensuite
dans la chambre de Brahim, se mit sans dire un mot dans le lit, où on la
recouvrit du drap blanc obligatoire sous lequel elle devait garder les yeux
fermés. Tandis que la noce était célébrée par de la musique et du tapage
partout dans les rues, Fatima perçut dans la chambre le va-et-vient de dizaines
de personnes. Une seule fois on souleva le voile léger qui la protégeait.
— Je comprends ton désir, soupira Abén Aboo qui avait
soulevé le drap un peu plus qu’il ne le fallait pour observer son visage. Jouis
d’elle pour moi, mon ami, et qu’Allah te récompense de beaucoup d’enfants.
Une fois les visites terminées, Fatima s’assit sur les
coussins disposés au sol et se ferma mentalement à la perspective de sa proche
union avec Brahim ; elle n’écouta pas les conseils éhontés et insistants
des femmes exultantes demeurées avec elle ; elle refusa tout ce qu’on lui
offrit à manger et, pendant l’attente, en entendant la musique qui provenait de
la rue, elle essaya de trouver un souvenir où se réfugier. On chantait pour
elle ! On célébrait son mariage avec Brahim ! L’image d’Aisha, assise
devant elle de l’autre côté d’un brasero, immobile, les yeux humides, perdue
dans ses pensées, Hernando esclave, ne lui apporta aucun réconfort. Elle se
consacra alors à la seule activité qui semblait la soulager : la prière.
Elle pria en silence, comme le font les condamnés, récita toutes les prières
qu’elle connaissait et laissa ses peurs se fondre en elles. C’était une foi désespérée,
mais sa force croissait à chaque mot, à chaque invocation.
Un peu après minuit, l’agitation des femmes dans la chambre
annonça l’arrivée de Brahim. L’une d’elles retoucha sa coiffure et arrangea la
tunique sur ses épaules. Fatima refusa de tourner le visage vers la porte par
laquelle les femmes se hâtaient de partir et fixa ses yeux sur le brasero.
« La mort est une longue espérance », marmonna-t-elle les yeux
mi-clos. Mais elle ne marchait pas vers la mort ! Quelle espérance lui restait-il
à trouver alors ? Le craquement du verrou fit taire cantiques et pipeaux,
et Fatima entendit derrière elle la respiration agitée de Brahim. Elle
frissonna.
— Montre-toi à ton époux, ordonna l’ancien muletier.
Ses jambes flageolèrent lorsqu’elle tenta de se lever. Elle
y parvint néanmoins et se tourna vers Brahim.
— Déshabille-toi, haleta celui-ci en s’approchant.
Fatima se dressa, tremblante. Elle manquait d’air !
Elle sentit l’haleine fétide de Brahim. Le menton recouvert d’une barbe
graisseuse, il fit un geste vers sa tunique. Les doigts de Fatima s’échinèrent
maladroitement sur les nœuds, puis la tunique glissa sur ses épaules et elle se
retrouva nue face à son nouvel époux, qui se délecta lascivement à la
contemplation de ce corps de presque quatorze ans. Il tendit une main calleuse
vers sa poitrine gonflée, et Fatima sanglota en fermant les yeux. Alors elle
sentit que Brahim palpait ses seins, râpant la peau délicate destinée au repos
de la tête d’Humam, avant de lui pincer un téton. En silence, les paupières fortement
serrées, Fatima se recommanda à Dieu et au Prophète, à tous les anges… De son
téton commencèrent à couler quelques gouttes de lait qui glissaient entre les
doigts de Brahim. Sans cesser de presser son sein, Brahim enfonça les doigts de
son autre main dans la vulve de la jeune fille et les introduisit dans son
vagin avant de la renverser sur les coussins et de la pénétrer avec violence.
Le vacarme et la musique, les cris de guerre et de joie des
rues de Laujar accompagnèrent Fatima tout au long de cette nuit
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