Les révoltés de Cordoue
s’étaient dirigés vers la tente de Brahim,
conformément aux ordres de Barrax.
Honteux et humilié, Hernando baissa le regard vers ses
chevilles enchaînées. Fatima dissimula aussi le sien, tandis qu’Aisha se
mettait à pleurer.
— Regardez-le, femmes !
La voix de Brahim, debout à l’entrée de sa tente, tonna
au-dessus des rires, des murmures et des commentaires. Hernando leva
instinctivement la tête, juste au moment où Fatima et sa mère obéissaient à
leur époux, et leurs regards vides se croisèrent.
— Voilà ce que méritent les nazaréens ! lança
Brahim en riant.
— Il va tenter de s’échapper, annonça cette nuit-là
Barrax au chef de sa garde et aux garçons, après qu’Hernando eut été montré à
toute l’armée comme l’un des nouveaux amants du corsaire. Peut-être cette nuit,
peut-être demain ou dans quelques jours, mais il va essayer. Ne le perdez pas
de vue, laissez-le faire et prévenez-moi.
Il essaya en effet, trois jours plus tard. Après l’avoir
promené une nouvelle fois à travers le camp, les garçons avaient conduit
Hernando jusqu’au ruisseau où les femmes lavaient le linge et l’avaient obligé
à laver celui de Barrax. Au cœur d’une nuit sans lune, et sans se soucier des
gardes, Hernando se traîna sous les mules, pieds et poings liés, jusqu’à un
petit ravin où il se jeta sans réfléchir. Il roula sur le côté et se cogna
contre des pierres, des arbustes et des branches. Il ne sentit pas la douleur.
Il ne sentait rien. Ensuite, sur les coudes et les genoux, il suivit dans
l’obscurité le cours du vallon. Il se traîna avec plus d’énergie à mesure que,
derrière lui, les bruits du camp s’éloignaient. Alors il se mit à rire,
nerveusement. Il allait y arriver ! Soudain il se heurta à des jambes. Le
corsaire se dressait au centre du vallon.
— Je t’ai prévenu que mon navire s’appelait Le
Cheval Rapide, dit Barrax d’une voix tranquille.
Hernando laissa retomber sa tête comme un poids mort sur le
sable.
— Peu de bateaux espagnols m’ont échappé une fois que
j’avais fixé mon objectif sur eux. Toi non plus, tu ne réussiras pas, mon
garçon. Jamais !
Abén Aboo vainquit l’armée du duc de Sesa, venu défendre
Órgiva. La victoire donna aux Maures le contrôle des Alpujarras, des montagnes
à la Méditerranée, ainsi que d’importants lieux proches de la capitale même du
royaume de Grenade, comme Güejar et de nombreuses localités plus éloignées,
dont Galera. Dès lors, les chrétiens redoutèrent que la rébellion s’étende au
royaume de Valence.
Face à ce danger, le roi Philippe II ordonna
l’expulsion du royaume de Grenade de tous les Maures de l’Albaicín et, pour la
première fois depuis l’insurrection, il déclara une guerre à feu et à sang,
donnant le champ libre à l’ensemble des soldats qui participaient au conflit
sous le drapeau ou l’étendard, et les autorisant à s’emparer de tous les
meubles, argent, bijoux, bétail et esclaves pris à l’ennemi. Il les exempta
également de payer le cinquième royal sur le butin, afin d’inciter les hommes à
s’engager.
En décembre, plusieurs mois après avoir été nommé commandant
général, don Juan d’Autriche obtint l’autorisation de son demi-frère le roi
Philippe II d’entrer personnellement dans la bataille. Le prince organisa
deux puissantes armées dans le but de prendre les Maures en tenaille : la
première armée, sous son commandement, entrerait par l’est, via les terres de
la rivière Almanzora ; la seconde, sous les ordres du duc de Sesa,
attaquerait par l’ouest, via les Alpujarras. De son côté, le marquis de los
Vélez continuerait à se battre avec ses quelques troupes.
Pendant ce temps, des armes et des renforts arrivaient de
Barbarie pour renforcer les rebelles.
Les chrétiens reprirent Güejar et don Juan, au commandement
des régiments d’infanterie de Naples et de presque un demi-millier de cavaliers
qui l’avait rejoint, se disposa à assiéger la place forte de Galera, en haut
d’une colline, où il trouva les têtes de vingt soldats et d’un capitaine des
troupes du marquis de los Vélez, piquées sur des lances dans le donjon du
château. Malgré l’expérience des vieux soldats et l’artillerie expressément
rapportée d’Italie, l’armée du prince souffrit de nombreuses pertes, que
payèrent les Maures de Galera, après la douloureuse et laborieuse victoire des
forces
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