Les révoltés de Cordoue
pacte ; il avait
constaté avec quelle délicatesse le garçon caressait l’épée, raison pour
laquelle il avait pensé la lui offrir dès qu’il se soumettrait à lui, ce dont
il ne doutait pas. Tous le faisaient ! Des milliers de jeunes chrétiens
vivaient confortablement à Alger, garçons de Turcs et d’Arabes, après avoir
renié leur religion et s’être convertis à la foi véritable.
— Prends-la, avait répondu Brahim. Garde aussi ses
vêtements ! Emporte tout ce qui lui appartient. Je ne veux plus rien qui
puisse me rappeler son existence… J’ai déjà assez avec sa mère.
Puis, les yeux mi-clos, Brahim avait réfléchi quelques
instants. Sa vie de muletier était terminée : à présent il était le
lieutenant du roi d’Al-Andalus et il possédait déjà un bon butin en or.
— Il me faut une mule blanche pour la mariée, la plus
belle de toutes les Alpujarras. En échange, je te donnerai mon troupeau de
mules. Tu feras une bonne affaire, avait-il précisé au corsaire qui pensait
exactement la même chose. Tu peux trouver des mules blanches dans beaucoup de
villages des Alpujarras. Peut-être ici même. Je n’ai pas le temps de m’occuper
de ce genre de détail.
Deux jours après avoir accepté le marché que lui avait
proposé Brahim, Barrax s’avança vers l’arbre où était attaché Hernando et lui
montra une très jolie mule blanche achetée par Ubaid dans un village voisin.
Par ordre du corsaire, le garçon était là, enchaîné, sans nourriture. On lui
donnait juste à boire. Hernando refusait de répondre aux paroles de son maître.
— C’est cette mule que va monter la fille que tu aimes
avant d’être offerte à ton beau-père, lui dit Barrax en tapotant le cul de
l’animal.
Hernando, les yeux enfoncés et violacés, complètement
éteints, observa la bête.
— Renie ta religion et donne-toi à moi, insista Barrax
une fois de plus.
Le garçon se signa ostensiblement. Professer sa foi… serait
le premier pas pour tomber entre les mains du corsaire. C’était absurde !
Le vieil Hamid avait dû convaincre tous les habitants de Juviles qu’il était un
vrai musulman et maintenant… il devait feindre d’être chrétien pour ne pas
tomber entre les mains de Barrax… Mais peut-être l’était-il ? Qu’était-il
en fait ? Il n’eut pas la force de se poser la question ; à présent,
il devait juste proclamer son christianisme. Le corsaire, imposant comme il
l’était, fronça les sourcils, mais continua à parler calmement.
— Tu as tout perdu, Ibn Hamid : la faveur du roi,
la femme que tu aimais… et la liberté. Je t’offre une nouvelle vie. Deviens un
de mes « fils » et tu triompheras à Alger ; je le sais, je le
pressens. Tu vivras bien, tu n’auras besoin de rien, et un jour tu finiras par
devenir un corsaire aussi important que moi ; peut-être même plus
important, oui, probablement plus. Je t’aiderai. Le prince des corsaires, Jayr
ad-Din, nomma commandant général son mignon, Hasan Agá ; ensuite succéda à
ce dernier comme bey Dragut l’indomptable, qui fut également garçon de Jayr
ad-Din et à celui-ci notre grand Uluch Ali, à son tour garçon de Dragut.
Moi-même… Tu ne comprends pas ? Je t’offre tout alors que tu n’as rien.
Hernando se signa encore.
— Tu es mon esclave, Ibn Hamid. On te considère
chrétien. Tu céderas, sinon tu deviendras galérien pour moi et tu regretteras ta
décision. J’attendrai, mais n’oublie pas que le temps passe pour toi et sans
jeunesse… Je ne veux pas forcer ton corps, j’ai tous ceux que je peux
désirer : jeunes garçons ou femmes ; je te veux à mes côtés, soumis.
Réfléchis, Ibn Hamid ! Détachez-le de l’arbre ! cria-t-il soudain à
ses hommes, le regard fixé sur les orbites enfoncées d’Hernando, mettez-lui des
fers aux chevilles. Qu’il travaille. Qu’il gagne au moins ce qu’il mange.
Toi ! ajouta-t-il en s’adressant à Ubaid, parfaitement au courant de la
haine qui existait entre Hernando et lui, tu répondras de ta vie s’il lui
arrive quelque chose, et je peux t’assurer que ta mort sera beaucoup plus lente
et douloureuse que celle que tu pourrais lui faire subir. Regarde bien cette
mule blanche, dit-il pour finir à Hernando avant de faire demi-tour avec
l’animal, avec elle s’achèvent tes espoirs et tes illusions en Al-Andalus.
Aisha prépara Fatima dans la demeure même où résidaient
Brahim et Abén Aboo. Un des commandants turcs
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