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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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visage rayonnait
d’un contentement indicible. Chose étrange, et combien que je l’aimasse fort
peu, en raison de la façon indigne dont elle avait traité mon petit roi
bien-aimé en ses maillots et enfances, cette énorme et naïve allégresse qui
s’étala soudain sur sa large face me donna pour elle quelque compassion, car
j’entendis bien qu’elle s’imaginait, ayant l’esprit si court, qu’ayant mis
Richelieu aux affaires, elle allait, pour ainsi parler, reculer dans le temps
et redevenir comme devant régente et maîtresse absolue du royaume. Mon Dieu,
m’apensais-je, comme elle se trompe ! Et comme elle connaît mal son
fils ! Et plus mal encore Richelieu !
    Que le roi entendît ou non quel était alors le sentiment de
sa mère, je ne sais, car ayant fait la courte déclaration que j’ai rapportée
plus haut, il n’ajouta rien, salua de nouveau la reine, et faisant un abrupt
demi-tour, il se retira.
    Poursuivant cette affaire à la chaude, le roi reçut le
cardinal de Richelieu en son Conseil sur les deux heures de l’après-dînée.
    Je n’avais pas revu le prélat depuis Angoulême et il ne me
parut guère changé, sauf qu’il avait troqué la robe violette de l’évêque de
Luçon, évêché dont il ne devait pas tarder à se défaire, pour la pourpre
cardinalice, laquelle de reste lui allait si bien qu’on eût pensé en le voyant
qu’il était né avec elle.
    Je le trouvai aussi soigné qu’en notre première rencontre,
le barbier ayant rasé fort soigneusement les alentours de sa moustache avant
d’en relever les deux extrémités avec hardiesse. Je remarquai combien son
visage maigre et triangulaire – affiné encore par le bouc taillé en pointe
qui le prolongeait – paraissait pâle, rendant par contraste plus sombres
et plus brillants les grands yeux noirs capables d’exprimer tant de choses en
si peu de temps et qui pouvaient passer, en un éclair, de la suavité
ecclésiastique au sarcasme le plus vengeur.
    Ne m’étant jamais trouvé avec lui au bec à bec, je n’aurais
su dire s’il était aussi grand qu’il le paraissait, mais il donnait
l’impression d’une sveltesse élégante et flexible qui faisait penser à une
épée. En parlant, dès qu’il voulait expliquer et démontrer quelque chose, il
usait, quoique avec modération, de ses mains, lesquelles étaient longues,
blanches et très soignées : vous eussiez dit alors un magicien, tant elles
concouraient à faire apparaître les vérités dont il voulait persuader son
auditeur. Sa voix pouvait être flûtée ou grave, comportant des inflexions et
des nuances à l’infini, et il émanait de toute sa personne un charme, une force
et une autorité que je n’ai jamais rencontrés qu’en lui.
    Il commença par remercier le roi du choix qu’il avait fait
de sa personne sur la recommandation de Monsieur de La Vieuville. « Mais,
ajouta-t-il, je ne pense pas que je doive accepter, car si Dieu m’a donné
quelques qualités et force d’esprit, en revanche, mon corps est si débile qu’il
résiste mal au bruit et au désordre du monde. C’est pourquoi, si je devais
entrer au Conseil j’aimerais que personne ne me vienne visiter pour obtenir
grâce ou pension, car ces visites à coup sûr me tueraient. Pareillement,
j’aimerais que le roi ne trouvât point mauvais que je ne vinsse pas souvent à
son lever pour la raison que je ne peux longtemps demeurer debout dans une
presse sans étouffer. De reste, ajouta-t-il, je ne suis pas certain de pouvoir
être utile au roi pour les affaires étrangères, particulièrement dans l’état où
ceux qui les ont dirigées les ont laissées. L’affaire de la Valteline, celle
d’Allemagne, l’aide aux Pays-Bas et Suisse sont des choses de si grande
conséquence pour la France qu’elles appellent des résolutions réfléchies qui ne
peuvent être prises que par le roi en son Conseil. C’est pourquoi il n’y a pas
lieu (ici sa voix se fit un petit peu plus mordante et La Vieuville commença à
frémir), il n’y a pas lieu, dis-je, d’avoir un Conseil des dépêches où
je siégerai, et un Conseil étroit où je ne siégerai pas.
Qu’arriverait-il si le Conseil des dépêches prenait une décision, et le Conseil
du roi une autre qui fût toute contraire ? »
    Ayant dit, il regarda Louis en levant les sourcils, et Louis
dit d’une voix nette :
    — En effet, la solution serait boiteuse.
    Étant publiquement désavoué, La Vieuville blêmit. Sa
tentative pour

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