Les Roses De La Vie
faire entrer Richelieu au Conseil tout en réduisant son
influence venait en quelques mots d’être réduite à rien.
Sans hausser la voix, le cardinal reprit d’une voix
douce :
— Sire, je suis disposé à vouer ma vie au bien de
l’État. Mais de le faire sans fruit, je ne le juge pas à propos.
— Poursuivez, mon cousin, dit le roi.
— Sire, pour ne rien vous celer, je vois un autre inconvénient
dans ma promotion aux affaires. J’ai de grandes obligations envers la
reine-mère, tant est qu’en ce qui concerne les avis que je pourrais donner pour
le bien de l’État, d’aucuns seraient tentés de les interpréter en prêtant à la
reine-mère et à moi-même des desseins tout contraires à la réalité. Sire, il y
a donc, à parler franc, bon nombre de considérations qui plaident contre mon
introduction au Conseil. Cependant, si Votre Majesté l’ordonne, j’obéirai
aveuglément au commandement de Votre Majesté. Mais comme j’entre en cette
fonction alors que je ne la recherche ni ne la désire (j’admirais que Richelieu
pût prononcer une telle phrase sans rire), j’aimerais que Votre Majesté sache
que je n’aurai et ne peux avoir d’autre dessein que la prospérité de Sa
personne et la grandeur de Son État. Et je fais en conséquence des vœux ardents
pour que Votre Majesté soit si ferme en cette croyance que je puisse être
assuré que tous les artifices des malins ne pourront La faire douter de ma
sincérité.
Un assez long silence suivit ce discours qui était
remarquable à la fois par sa clairvoyance, son habileté et son imperturbable
aplomb. Le cardinal avait accepté sa promotion tout en ayant l’air de la
refuser, défini les conditions du rôle exact qu’il pouvait jouer et, seul des
ministres présents, s’était exempté d’assister au lever du roi et de recevoir
les solliciteurs.
— Mon cousin, dit le roi, c’est mon commandement qu’à
partir de ce jour, vous fassiez partie de mon Conseil.
C’est à peine si le cardinal de Richelieu attendit le
lendemain pour entamer avec ses pairs une querelle de préséance. Il demanda et
il obtint, non seulement de précéder le connétable et le chancelier, mais aussi
les princes du sang et autres princes. Quelques semaines plus tard, sur la recommandation
qu’il en fit au roi, preuves en main, La Vieuville fut disgracié et partit pour
l’exil.
FIN
----
[1] La liaison de la duchesse de Guise avec le marquis de Siorac était à la Cour un
secret de polichinelle, et Henri IV, quand on lui présenta Pierre-Emmanuel
de Siorac, y avait fait allusion en l’appelant « mon petit cousin ».
[2] Aujourd'hui « Le Pecq ».
[3] Pour le morion, on dénudait les fesses du puni et on les frappait avec
un casque (le morion), puis avec la crosse d’un fusil. Pour le piquet, on le déchaussait et on maintenait son pied au-dessus d’un pieu pointu.
Pour le chevalet, on faisait asseoir sur son arête aiguë le puni et on
suspendait deux poids à ses pieds. Pour l’estrapade, on le hissait par
une corde en haut d’un mât, attaché par un pied, et on le laissait tomber tête
en avant dans le vide en raidissant la corde avant que sa tête touchât le sol.
[4] Le 8 juillet 1617.
[5] Le gentil sexe (ital.).
[6] Madame de Lichtenberg. (Cf. L'Enfant-Roi .)
[7] C’est de ce « tenez », répété sans cesse au cours d’une partie, quand
l’un des deux joueurs sert, que les Anglais ont Fait « tennis ». (Note
de l’auteur.)
[8] Paulet.
[9] Aujourd’hui Neuilly.
[10] Manant, à l’époque, n’a pas nécessairement un sens péjoratif. Dérivé du latin manere (demeurer), il a le sens de « résidant ».
[11] Jour à marquer d’une croix blanche (lat.).
[12] Dans la queue, le venin (lat.).
[13] Comme un cadavre (lat.).
[14] Cité par Richelieu dans ses Mémoires.
[15] On entend par là au XVII e siècle les habitants du royaume de
Bohême qui sont des Tchèques. (Note de l’auteur.)
[16] Saint-Simon, Mémoires , Librairie Tallandier, t. I. p. 49.
[17] Point d’honneur (esp.).
[18] Un homme qui ne touche pas sa femme ne vaut rien (esp.).
[19] On appelait carreaux les flèches tirées par les arbalètes (arme à
l’époque archaïque et utilisée seulement pour la chasse) et jalets de
petits cailloux ronds destinés à de petites proies.
[20] Déposa le fardeau de son ventre (lat.).
[21] Samson de Siorac.
[22] Poitron-jacquet. Littéralement, poitron : derrière ; jacquet :
Weitere Kostenlose Bücher