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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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selle ?
    – Non, Père. Je suis bien ainsi.
    Le menton soutenu par ses avant-bras croisés, appuyés sur la trésaille avant, Hélie, échevelé, souriant, les joues roses, respirait à grands traits en regardant, droit devant lui, les deux hautes et singulières montagnes qui, de loin, semblaient deux maigres tours de granit ébréchées par quelque gigantesque orage.
    – Est-ce là ?… On dirait deux grands bras tendus vers le ciel.
    – C’est là, dit Maguelonne sans quitter des yeux les monts extraordinaires. Dieu nous aide !
    Elle se signa. Tristan mena Alcazar jusqu’à elle.
    – Il nous aidera… Es-tu lasse ?
    – Point trop.
    Elle avait dû souffrir dans sa chair et son esprit durant ces quatre-vingts lieues d’un cheminement dangereux et pénible. Il fallait trouver les bons chemins, se protéger des pluies et des orages et si quelque cavalerie suspecte apparaissait, se garantir vélocement dans des venelles de verdure pour repartir ensuite les nerfs tendus. Jamais elle n’avait proféré une plainte. Parfois, elle demandait qu’on changeât sa sambue contre une selle d’homme emportée à cet effet ; parfois encore, elle insistait pour « piéter un petit » auprès de sa monture, Doucette, aussi vaillante qu’Alcazar et Babiéca. Ils mettaient pied à terre, Hélie y compris, pour soulager leurs jambes. L’enfant allait devant eux en regrettant parfois que Lérida fût demeurée à Castelreng.
    Tristan se félicitait que les récoltes de sa châtellenie eussent été, pendant des années, suffisamment réussies pour qu’il pût sans souci acquitter les comptes des hôtelleries et se pourvoir en aliments et boissons afin de déjeuner sur l’herbe à la mi-journée – si le temps le permettait -, le repas du soir étant pris chez leurs logeurs. Maguelonne savait toujours choisir une auberge modeste, à l’écurie bien fournie en fourrage et picotin. C’était elle, et elle seule, qui prenait soin de sa jument.
    Laissant à Lebaudy et Lemosquet, réunis pour la circonstance, la gouverne du châtelet, Tristan n’avait emmené que Paindorge sans encourir les reproches d’Alazaïs. Depuis que le donjon avait disparu de sa vue, il n’avait guère évoqué Castelreng. Contrairement à lui, Maguelonne s’inquiétait de ce que devenaient la domesticité, les animaux, toutes les choses de la vie jusqu’aux variations du temps. Elle régnait pour moitié avec indulgence et douceur sur une gent besogneuse à laquelle il ne s’intéressait guère, moins par indifférence que par obligation d’époux : il y avait parmi les meschines des femmes et des pucelles aux regards vifs, aux seins insolents, à la croupe éloquente. Il savait Jourdane, Pétrone, Obria et Bathilde disponibles pour peu qu’il leur eût signifié, d’un clin d’œil, le désir d’en jouir. Or, quelque précaution qu’il eût prise pour les dissimuler, ces accointances-là, dans un espace aussi restreint que Castelreng, n’eussent point échappé à la finesse de sa femme ni à l’attention d’Alazaïs et de Sibille. Mieux valait feindre l’indifférence ou la hautaineté que de préjudicier Maguelonne en la dépouillant du respect dont elle était entourée.
    Désormais, elle ne devait plus penser qu’au Puy dont les deux colosses en habits de roche et de verdure excitaient ses espoirs et son imagination. Elle apprit bientôt par le maître de l’hôtellerie où elle avait décidé de séjourner – le Cygne noir – que la cité des miracles s’appuyait au midi contre le flanc d’une colline isolée, le mont d’Anis, d’où émergeait le gigantesque rocher Corneille. Cette colline occupait le centre d’une vaste dépression environnée de montagnes. On trouvait au nord la haute Aiguilhe dont le rocher servait de piédestal à l’église Saint-Michel ; Polignac et son châtelet ; au Ponant, il y avait Espaly, l’Arbouisset et Ceyssac. C’était une contrée dont son âme extasiée souhaitait une seule et parfaite merveille.
    – J’ai vu comme chez nous des femmes sur leur seuil ou assemblées en rond au milieu des rues. Elles pourfilaient de belles choses avec moult fuseaux de fil blanc. (424)
    – C’est l’occupation des dames. Il n’y a pas une Anicienne ou si vous préférez, une Ponote, qui ne sache manier le fil et les fuseaux.
    – Nous les irons voir de près, décida Maguelonne.
    – Les rues sont pénibles, la prévint dame Chaussade, l’hôtelière du Cygne noir en

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