Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
plusieurs jointées de cette eau… Elle est, je le sais, bienfaisante… J’en ai bu lorsque j’avais ton âge. C’est un petit filet qui sort d’un rocher…
    Un chemin ténébreux y conduisait, bordé de part et d’autre d’herbes folles. On descendait une pente assez roide et serpentée. Des mouches, parfois, faisaient entendre leurs bruissements. Une odeur sèche, estivale, montait des verdures et du sol où çà et là des fourmis processionnaient. Le soleil semblait faible à travers les ramures et les oiseaux, peu nombreux, pépiaient avec une espèce de retenue.
    – Pourvu que… commença Maguelonne.
    Dans son visage enfin serein, ses yeux semblaient moins humides.
    – J’ai soif moi aussi, dit-elle. Si cette eau pouvait me guérir…
    – De quoi ? murmura Tristan, soudain anxieux.
    – Oh ! de rien, s’empressa-t-elle. Tu ne pourrais pas comprendre.
    Il se garda d’insister. Elle était malheureuse, elle aussi. À cause de lui ou de leur fils ? Ou bien, comme lui, à cause de tout ?
    Hélie lâcha leurs mains et courut vers un bassin de pierre dans lequel coulait un jet clair. Il se pencha, joignit ses mains et but avidement.
    – C’est froid, dit-il.
    Une autre jointée suivit la précédente. Puis une troisième. Maguelonne rejoignit son fils et l’imita.
    – Tu n’en bois pas, Tristan ?
    Elle ne contenait plus toutes ses craintes.
    – Non, je n’ai pas soif… Je n’ai pas besoin de… de guérir.
    – Oh ! Si, tu en as besoin… Nous sommes tous malades… Hélie, on sait de quoi… Moi, je sais de quoi… Mais toi, tu n’en sais rien.
    Elle avait sans doute raison. Elle eut un geste convulsif et supplia :
    – Bois… Tu me ferais plaisir…
    – Et tu serais rassurée ?
    « Rassurée sur quoi ? » se demanda-t-il.
    Il se pencha et but. L’eau était fraîche et sans goût, il le savait. Il la trouva pourtant amère. Il n’essuya pas ses lèvres.
    – Va devant nous, dit-il à Hélie.
    Et il offrit sa dextre à Maguelonne.
    – Je préférerais l’autre, dit-elle.
    – Pourquoi ? s’étonna-t-il.
    – C’est celle du cœur.
    *
    Ils retrouvèrent les chevaux et se mirent promptement en selle. Bientôt, la nuit tomberait.
    – Maintenant, dit Maguelonne tandis qu’Hélie, s’aidant de l’étrier, prenait place devant sa mère, maintenant, nous n’irons plus au Puy.
    Tristan devina, sous une poitrine encore virginale, un cœur déchiré. Il se pencha en avant, humilié qu’elle eût pu croire qu’il avait oublié leur visite à Hervieu de Cubières et le conseil de celui-ci.
    – Nous irons, dit-il. Et même, si une courte nuit te suffit, nous partirons demain.
    – Oh ! Oui.
    Cette nuit-là, ce fut elle qui se pressa généreusement contre lui, telle qu’il l’avait connue quelque dix ans plus tôt.

 
IX
     
     
     
    Narbonne, Béziers, Montpellier, Alès, Langogne.
    Après qu’ils eurent couché dans cette cité, ils avaient demandé le chemin de Villefort. Une femme qui sans doute était sourde les avait dirigés sur Chateauneuf-de-Randon qu’ils avaient évité de justesse en apprenant que la forteresse et la contrée étaient tenues par un Béarnais, Pierre de Galard 265 ennemi du roi de France. À moins de sept lieues, et en passant par Solignac, ils verraient la perle du Velay.
    – Nous avons bien couvert quatre-vingts lieues, dit Tristan lorsque le Puy apparut devant eux après une semaine et demie de chevauchée.
    – J’ai le potron en compote, avoua Paindorge en relâchant les rênes de Babiéca. Depuis l’Espagne et notre retour d’icelle, je n’ai jamais cheminé si longtemps… Je ne demande pas l’état du tien, Maguelonne, mais j’évalue à l’aune du mien la valeur de ton courage.
    Maguelonne sourit ; Tristan également avant de se tourner vers le chariot attelé à Carbonelle qui, bien que vieille, avait piété convenablement.
    – Toujours à l’aise, mon gars ?
    – Oui, Père.
    C’était Paindorge qui avait eu l’idée d’acquérir pour le voyage et les travaux des champs cette charrette courte, aux roues hautes, évidées élégamment et dont la caisse était pourvue d’une banne de noyale (423) . Hélie pouvait y prendre place, y dormir, s’y protéger des orages. L’espace inoccupé contenait les armes – deux arbalètes, cinq trousses de carreaux, deux tranchelard et, en deçà de ce fourniment, la boisson et la nourriture.
    – Veux-tu descendre de ton juchoir et partager ma

Weitere Kostenlose Bücher