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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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son mal s’était définitivement résorbé. Alors, pourquoi Hélie ne guérirait-il pas ?
    – Nous y sommes… Allons mettre à l’ombre Alcazar et Doucette.
    Ils menèrent les chevaux sous de grands arbres. Du chemin, on ne les pourrait voir.
    – Venez, dit Tristan lorsqu’ils eurent mis pied à terre. Viens, Maguelonne, ne nous attardons point… Tu dois être lasse.
    Elle acquiesça de la tête, pâle et peut-être tremblante.
    L’enfant les prit chacun par une main.
    Sévère et massive, l’église parut s’élever vers le ciel qui se couvrait de minces écharpes blanches. Hélie se merveilla :
    – On dirait des ailes d’anges.
    – Alors, mon fils, qu’ils veillent sur toi.
    Tristan approuva son épouse en se disant que s’il avait été près d’elle, il l’eût baisée sur la tempe.
    À mesure de leur avancée, la façade révélait quelques détails auxquels, contrairement à Maguelonne, il fut indifférent. Il les connaissait. Rien d’exubérant, d’ailleurs, au contraire de maintes églises de France et d’Espagne. Sainte-Marie-de-Marceille avait été conçue par des hommes nets, épris d’une géométrie rigoureuse. Point d’excès d’ornements comme à Notre-Dame de Paris, ce grand cantique de pierre où les hautes figures en montre sur le parvis semblaient un cordon de juges prêts à décréter un châtiment avant même que les pécheurs ou présumés tels fussent passés sous leurs pieds pour affronter le Procureur suprême. Ici, la robustesse provoquait la confiance et c’était la netteté des lignes qui disposait le regard et le cœur à la sérénité. Sainte-Marie se voulait simple mais solide, disponible et utile à tous dans la perfection même de sa droiture. Alors qu’avant de franchir le seuil de maintes églises on se sentait condamné à une espèce d’envoûtement parmi des piliers et pilastres et sous un toit prêt à craquer pour s’écraser au sol, Sainte-Marie semblait un grand refuge pour des gens simples, véritablement pieux. À l’inverse des cathédrales qui ne traduisaient rien d’intime et de profond par l’abus même de leurs ornements, cette église champêtre semblait repliée sur elle-même, bien décidée à secourir les malheureux.
    – Je ne savais pas qu’elle existait, dit Maguelonne.
    Ils s’étaient arrêtés sous le porche. Au-dessus d’eux, une Vierge à l’enfant les observait. Un moment, ils virent la lumière jouer sur son visage et Maguelonne se signa.
    Ils entrèrent d’un même pas, toujours main dans la main, insensibles aux rares embellissements des pierres et se satisfaisant surtout d’une pénombre et d’une fraîcheur bienfaisantes. Un scrupule les prit : devaient-ils prier maintenant dans une des chapelles ou piéter jusqu’à la Vierge pour s’agenouiller devant cette Miraculeuse ? Il leur fallait se montrer décidés. Se révéler d’une dévotion humble et sincère.
    Personne. Une sorte de monotonie dans l’air. Au creux d’une niche, une sainte souriait avec une expression de complicité légère.
    – Avançons.
    Maguelonne avait chuchoté. Sur l’autel déserté où brûlaient deux cierges, blanchoyait une petite lumière fiévreuse. Au-dessus, un vitrail endiamantait ce qui devait être un surplis abandonné là par un prêtre parti en hâte et formait une large guirlande sur les dalles à l’entour. L’encens semblait fané. On ressentait une grande impression d’abandon. Était-ce de bon augure ? Tristan se le demanda. La religiosité n’était plus pour lui, depuis longtemps, une notion claire, quelque chose qui pouvait se formuler succinctement ni même – il en avait trop vu – cette aspiration à une existence céleste que semblaient attester, d’un index de tuile ou d’ardoise pointé vers les nuées, les clochers des villes et des villages.
    Maguelonne et Hélie se consultaient du regard. La quiétude des lieux, leur sérénité rigoureuse, la sombre rigidité des pierres si flexibles, si dociles ailleurs, dégageaient au tréfonds d’eux-mêmes, plutôt qu’un sentiment d’espérance, une impression de fragilité pernicieuse. Sans doute se demandaient-ils s’ils pourraient dominer leur crainte, soit d’une indifférence de leur Hôtesse, soit d’un intérêt mineur de Celle-ci à la pauvreté de leur âme. Maguelonne se disait : « La Sainte Vierge va-t-elle le guérir ? » et Hélie : « Je veux qu’Elle m’ait en pitié afin qu’Elle extirpe de mon corps ce mal

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