Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
à Carmona 35 où il n’avait cessé d’ériger de nouvelles fortifications. Il y avait entassé ses trésors et d’innombrables provisions. Après avoir réuni ses réserves de guerre, il avait fait porter dans cette forteresse jusqu’aux rames des galères sévillanes afin de les réduire en flèches 36 . Un astronomien lui avait prédit qu’il serait un jour assiégé et qu’il trépasserait s’il ne se précautionnait point, en la torre de la Estrella. Soupçonnant les Sévillans de lui préférer son bâtard de frère, il avait choisi Carmona, qu’il estimait imprenable, et décidé d’y attendre ses ennemis, mais les appels de détresse des Tolédans retentissaient dans son âme. Son honneur d’homme, sa dignité de chevalier et sa fierté de légitime roi de Castille lui enjoignaient de se porter au secours de ses plus fidèles sujets. Il avait donc patiemment rassemblé ses guerriers 37 . Son armée s’était grossie d’un corps de cavaliers grenadins. Une fois les commandants désignés, le roi s’était mis en marche, laissant à Carmona les enfants nés de ses différentes maîtresses 38 . Il marchait vers le nord sans doute à la rencontre de Fernand de Castro qui venait, lui, de Zamora. On supposait qu’après avoir fait halte sur les plateaux de la Mancha – sans doute au château de Calatrava, Maison de l’Ordre de ce nom 39 , réputé imprenable -, Pèdre chevauchait vers Tolède. On l’y attendait.
    Précédant désormais l’armée en compagnie de tous ses familiers, Guesclin se dirigeait, lui aussi, droit sur Tolède. La neige ne tombait plus, le vent s’était accoisé. Le ciel bleuissait. De loin en loin des fleurettes illuminaient les talus de leurs petites flammes jaunes. Il y avait de la douceur dans l’air. Tandis qu’on y mangeait du pain et du bacon plus tendres, les conseils avaient lieu le midi et le soir. On s’y interrogeait sur les intentions de Pèdre dont on conjecturait l’itinéraire qui, de l’Andalousie, l’amènerait devant Tolède.
    – Il faut qu’il franchisse la Sierra Morena, disait le sire de Pommiers.
    – Par la vallée de la Jandula 40 , prétendaient les Mauny. Ils ne s’engageront pas dans les hautes montagnes. Ils y perdraient du temps et des hommes.
    Guesclin ne disait mot. Il s’inquiétait : une nouvelle défaite devant le roi de Castille anéantirait sa renommée. Dans la Mancha, Pèdre pouvait trouver les vivres et le fourrage qui lui faisaient défaut. À la vue de son armée, les Castillans s’enfermaient, les châtelets relevaient leur pont-levis. Certains hurons avaient préféré mettre le feu à leur grange plutôt que de nourrir les chevaux de ces envahisseurs qui avaient déjà foulé leurs récoltes sous leurs sabots.
    – On ne nous aime pas, se plaignait le Petit-Meschin.
    « Si l’on nous a en abomination, à qui la faute ? » songeait Tristan.
    Le samedi 24 février, un coureur apparut à l’heure de none. Il venait, évidemment, de Tolède où Henri s’enfelonnait et lamentait au point que pour ne plus observer cette cité si désespérément vaillante, il s’était retiré à Orgaz.
    – Il vous y attend, messire Guesclin, et vous tous, messeigneurs. Magnifique sera sa joie de vous voir apparaître. C’est moi, Yugenio Rodriguez Tabernero, qui vous le dis !
    L’homme était grand, brun, le visage safrané par l’air. De grands yeux noirs, un nez busqué, une bouche aux lèvres minces, avares de sourires. Vêtu à la légère afin de ménager son cheval, il paraissait ne pas souffrir du froid sous sa galvardine en poil de chèvre, ses chausses grises et ses heuses montantes. La prise de son épée aux quillons droits, aux boutons en fleur de lis, arborait une tête de mort pour pommeau.
    – Que savez-vous de Pèdre ? demanda Guillaume de Laval dont l’émoi d’avoir à se battre augmentait de jour en jour. Endittez-nous 41 par la mordieu !
    Le messager se courba plus qu’il ne le fallait. Ce devait être un homme curial 42 ou, s’il ne l’était pas, un obséquieux, voire un mustapha 43 . Il demanda qu’on s’occupât de son genet car il avait faim et soif. Paindorge prit le cheval au frein et l’entraîna vers le charroi des Bretons. Il était sûr d’y trouver de l’eau et du fourrage.
    – Pèdre ! insista Eustache de la Houssaye. Savez-vous où il est et ce qu’il nous prépare ?
    Le messager se courba encore :
    – Il a traversé la Sierra Morena par la voie qui passe par

Weitere Kostenlose Bücher