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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Constantina pour atteindre Llerana. Il a fait halte à Calatrava. Son armée compte moult compagnies de Sevilla, Ecija, Carmona et Jerez. Don Fernand de Castro, qui a traversé la Castille très loin d’où vous êtes, lui amène des guerriers de Galice et de Zamora. Ils doivent être encore à Calatrava…
    – Combien sont-ils ? demanda Guesclin qui s’était mis à marcher, les mains au dos, la tête basse sous un camail grisâtre où manquaient des anneaux.
    – Trois mille chevaux – hommes d’armes et géniteurs -, à ce qu’on pense, et deux mille Maures de Grenade. Autant de piétons, sans doute, sous quatre bannières… On dit que Pèdre attend des renforts de Jaén et de Murcie. Il va vers Montiel où, sans doute, toutes ses forces vont confluer pour, ensuite, marcher sur Tolède.
    – Montiel ? dit Guesclin soudainement immobile. Jamais je n’en ai ouï parler.
    – Si j’étais lui, dit Tabernero, j’y demeurerais. C’est une grosse commanderie des chevaliers de Saint-Jacques dont le gouverneur, Garci Moran, est un de ses fidèles.
    – Où se trouve cette commanderie ?
    – À l’est de Valdepenas, messire Bertrand. Sur une montagne. La position de ce castillo commande les débouchés de la Sierra. Le roi Ferdinand, après l’avoir conquis sur les infidèles, en avait fait don, jadis, aux chevaliers de Saint-Jacques 44 .
    – J’aimerais bien savoir, dit le bâtard de Penie, ce qu’a décidé Henri.
    Aventureux, mais circonspect, il cillait des yeux afin qu’on ne lût point ses pensées. Sans doute regrettait-il d’avoir suivi Guesclin dans le froid et la neige pour un profit dérisoire.
    – Où est Orgaz ? demanda Innocent de Launoy.
    Il se rongeait les sangs. Il aimait la vie. Trop pour la perdre à des centaines de lieues de la France. Il n’y avait pas songé lorsqu’il avait décidé de suivre Guesclin. S’il devait tirer l’épée, ce serait moins pour vaincre que pour se soustraire à la mort. Décoloré, le nez pincé, il souffrait moins de la froidure encore tenace que d’une incertitude infinie.
    – Orgaz est à sept lieues de Tolède, au pied de la Sierra de Yébenes. C’est le pays natal de Chimène.
    – Qui c’est celui-là ? demanda Kerlouet.
    – Chimène, messire, précisa Tabernero en s’inclinant, fut l’épouse du Cid !…
    – Ah ! fit le Breton dans l’esprit duquel le nom du campeador ne provoquait pas plus d’effet que celui de sa femme.
    Guesclin se renfrogna. Nul doute qu’il y aurait bataille entre Tolède et Montiel ; mais où et quand ?
    Tristan observait le Breton. Tabernero avait, par sa seule présence, mis un terme à sa continuelle jactance. L’affrontement qui se préparait serait sans doute plus terrible que celui de Nâjera : il y engagerait sa réputation. Les impérieuses exigences de celle-ci feraient qu’il se jetterait le premier dans la presse.
    – Henri attend-il des renforts ?
    – Il a écrit au maître de Saint-Jacques, Gonzalo Mexia, l’homme qui a victorieusement défendu Cordoue contre les Maures… De part et d’autre, messire, on pourra voir s’entre-occire les meilleurs guerriers de France et d’Espagne.
    – Ah ! C’est vrai, ça ! s’exclama le Petit-Meschin qui soudain se prenait pour un chevalier.
    – Allons à Orgaz, décida Guesclin.
    Le Breton se détourna :
    – Reste auprès de nous, Castelreng, sans quoi je vais croire que tu crains de chevaucher en tête.
    Tristan subit fermement l’affront, puis les rires des Mauny, de Kerlouet et quelques autres. Il était prêt à tout supporter pourvu qu’il revînt entier à Villerouge, mais il n’en pouvait plus de malerage. Il tremblait. Il eût aimé pouvoir cheminer seul auprès de ce Breton qui ne vivait que de la sueur et du sang des hommes pour l’accabler d’insultes. Parfois, en sa présence, l’air lui manquait.
    Il plaça Malaquin derrière Tabernero, Paindorge demeurant à sa dextre, terriblement pâle et haletant dans l’orbe de son bassinet grand ouvert.
    – Faut tenir bon, messire. Ça lui ferait trop plaisir que vous vous regimbiez !
    Tenir bon. Tenir à la vie. Tenir à une vengeance, à des vengeances, même s’il fallait attendre longtemps. Tenir à Maguelonne. Tenir à Castelreng.
    Tristan soupira. Dans quelques jours, tout serait consommé. Pèdre ou Henri régnerait. Il ne demanderait aucun effort à Malaquin pour revenir en Langue d’Oc. Là encore, il prendrait son temps.
    – Ce soir, dit

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