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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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fenêtre de leur chambre afin qu’il imaginât la chair sous la robe tendue et le sein sous la camisole au col lâche quand soudain elle lui faisait face. À son inappétence de mâle déçu, elle opposait un charme qui s’endiablait, une envie qui ne demandait qu’à s’épanouir mais qui s’altérait par une crainte : « Ne me fais pas un autre enfant. » L’amour fou devenait un amour « familial » composé d’une certaine sagesse, de larges habitudes et de satisfactions qu’il eût pu emboîter l’une sur l’autre sans que rien n’en rompît le trop rigoureux équilibre.
    – Tu regrettes l’armée, lui dit-elle un jour d’une voix neutre, calculée.
    Elle se méprenait à peine, et cependant, il se cabra. Non, il ne regrettait pas l’ost ! Il y avait suffisamment engagé sa vie pour déplorer d’être ce qu’il était.
    Soudain enhardie, Maguelonne continua :
    – Tu n’aimes guère ton fils.
    – Quand tu cesseras de le couver, j’essaierai d’en faire un homme – s’il n’est pas trop tard. Et s’il se plie à ma volonté, je tâcherai d’en faire un chevalier.
    À ces reproches succéda une mésentente de quelques jours. Au contraire de ses prévisions, elle revigora Tristan. Les conversations de Lebaudy et de Paindorge, dont il s’était peu soucié, reprirent de l’intérêt. Ce qu’ils avaient appris soit à Limoux, soit à Mirepoix ou encore à Carcassonne, titilla sa maussaderie d’autant plus désagréablement que les noms de Guesclin et de Robert Knolles figuraient dans les propos des deux compères.
    Il connaissait l’Anglais par ce que lui en avait révélé Ogier d’Argouges qui l’avait combattu à la fin de ses enfances. Celui qu’on appelait toujours Robin Canole avait fait des progrès dans l’art malfaisant de détruire et d’occire. Il décapitait avec plaisir les clochers, et d’une telle façon qu’on les appelait les mitres de Knolles. À la fin du mois de juillet de cette année 1370, il avait mené un grand randon dans le nord de la France et aucune armée ne s’était portée à sa rencontre. Le roi, tout occupé de son fils, oubliait quelque peu, disait-on, les affaires du royaume où pourtant la guerre ne cessait point (402) .
    – Et Guesclin, Robert ? Parle-moi de lui.
    Ils étaient à cheval dans les terres. Le soir s’approchait à menus pas d’ombre. Ils avançaient lentement, heureux d’être ensemble, le long d’un petit bois enrugni par l’automne.
    – Ah ! Lui… soupira Paindorge. Son absence s’est fait sentir quand le duc de Berry assiégeait Limoges. Mais il est enfin arrivé. Il a annulé les traités entamés entre l’évêque, les échevins et Berry. Ils sont entrés à grande joie dans Limoges (403) . Le prince de Galles jura sur l’âme de son père qu’il se vengerait. On dit qu’il a réuni douze cents lances, mille archers, trois mille hommes de pied. Ils partirent de Cognac pour Limoges. Les pays traversés frémirent contre eux. En Espagne, le prince disposait d’une litière. Il la quittait parfois, il ne la quitte plus. Limoges a été assiégée, meurtrie, réduite en ramassis de pierres noires. Édouard a menacé de trancher le col de l’évêque.
    – Et Guesclin ? Et Berry ? Ils n’ont point contresté aux Goddons ?
    – Non. Guesclin, à ce qu’on dit ; est parti le premier.
    – Où ?
    – À Paris.
    – Pourquoi ?
    Paindorge sourit avec une sorte d’indulgence :
    – Quoi ?… Je n’en ai jamais parlé parce que je ne voulais pas provoquer votre ire… Bertrand est allé à Paris pour y recevoir l’épée de connétable…
    – Tudieu !
    – Il paraît qu’il est traité comme un prince.
    – Merdaille !… Il ne va pas falloir prendre le Breton autrement qu’avec des pincettes dorées !
    Tristan caressa l’encolure de Malaquin. Le cheval se faisait vieux et c’était la raison pour laquelle il l’avait préféré à Alcazar : il fallait qu’il profitât doucement de l’arrière-saison de sa vie.
    – Tu vois, Robert, dit-il, je m’efforçais d’oublier tout et particulièrement ce démon. Maintenant, c’est comme s’il était devant nous, poings aux hanches, avec cet air de défi et de dédain que tu lui connais tout comme moi… Connétable ! Connétable de mon cul… Pour moi, c’était toujours Raoul de Fiennes.
    – Comme vous le craigniez, Charles a poussé Fiennes aux orties… Guesclin n’a pas fait de façons pour se saisir de son épée

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