Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
Uzès, Mulac, et Lancastre était entré en Langue d’Oc. Les routiers, naguère si unis, s’étaient séparés en deux herpailles apparemment fratricides. Perducas d’Albret, le Petit-Meschin, le bourc de Breteuil, Aymemon d’Ortige, Pierre de Savoie, Raoul de Bray, Ernauton de Penne s’étaient placés au service du duc d’Anjou ; Naudon de Bagerant, le bourc de l’Esparre, le bourc Camus, Robert Briquet, Robert Ceny, Jean Creswey, Gaillart de la Motte, Aymery de Rochechouart – le rival d’Ogier d’Argouges en amour – avaient rallié les Anglais tandis que Calveley, retour d’Aragon, avait été promu capitaine d’Angoulême. Si l’archevêque de Toulouse, Geoffroy de Vayrolles, et l’évêque de Cahors, Begon de Castelnau, prêchaient la guerre contre les Goddons, un prélat londonien, Simon Théobald Sudbury, demandait à ses ouailles de prier pour l’anéantissement de la France. Quant au roi Édouard, il donnait libre cours à sa lubricité. Depuis le décès de la reine Philippa, l’an de grâce 1369, à la vigile de Notre-Dame 194 , les belles dames et les pucelles de la Cour d’Angleterre évitaient, disait-on, de croiser son chemin.
    Et de nouveau, les nouvelles cessèrent de s’instiller dans l’enceinte de Castelreng. Tristan se déclara peu marri de leur absence, tout en se disant qu’il mentait. Il avait été si étroitement mêlé aux affaires de la royauté pour ne pas avoir envie, çà et là, de savoir ce qui se perpétrait et passait au-delà de la Langue d’Oc.
    Hélie poussait. Maguelonne, les yeux mi-clos, un mystérieux sourire aux lèvres, semblait copier chaque jour l’épouse qu’elle avait été la veille. Il fallait vivre, œuvrer à la prospérité de la chevance, se donner aux tâches les plus exténuantes et se souhaiter, après souper, un sommeil de plomb.
    On sut enfin, après des mois, que devant La Rochelle, les Français, aidés des Castillans, avaient coulé moult vaisseaux d’Angleterre (406) et que le duc de Bretagne, Jean IV de Montfort, était retourné dans l’obédience d’Édouard III (407) .
    La guerre ; la guerre encore et toujours. Cependant la rumeur affirmait qu’elle était désormais en défaveur des Anglais. Guesclin, prétendait-on, en avait l’entier mérite.
    « Grand bien lui fasse ! » songeait Tristan.
    Lebaudy, Lemosquet et Paindorge se réjouissaient d’apprendre que les batailles, enfin, s’achevaient par des défaites anglaises. Il n’avait pas suffi à Charles V de confisquer et réunir à la Couronne le duché d’Aquitaine (408) et toutes les terres que les Goddons tenaient au royaume de France, il était devenu d’humeur belliqueuse. Au tout début des hostilités, le prince de Galles avait fait venir en renfort de Londres ses frères Jean de Gand, duc de Lancastre, Edmund de Langley, duc d’York, et la fleur de la chevalerie. Ils avaient accumulé les échecs.
    – Nous allons vivre en paix !
    – Nos enfants ne connaîtront pas la guerre.
    – La France va rebâtir et verdoyer enfin !
    – Le commun mangera désormais à sa faim.
    Une grande espérance allait gonfler le cœur des Français de toute appartenance. Les nobles n’auraient plus besoin d’exiger de leurs loudiers des contributions pour s’armer chèrement. Le roi se dispenserait, lui aussi, de créer de nouveaux impôts pour emplir le trésor de guerre. On avait vu des réconciliations étonnantes telle que celle de Guesclin, truchement de Charles V, avec Charles de Navarre, à Vernon 195 . Sans doute verrait-on un jour Jean IV de Montfort s’agenouiller aux pieds du roi et lui demander pardon de s’être accointé aux Anglais !
    *
    Les semaines s’enchaînaient, formant des mois ni gais ni tristes. Souvent, Tristan baissait la tête moins pour voir pousser les récoltes que sous l’effet d’un ennui qu’il pensait dissimuler en excipant d’une lassitude mensongère. Maguelonne se gardait de trop l’interroger. Son visage conservait sa beauté juvénile et son regard cette sorte de passion de vivre des jours pleins qu’il lui connaissait depuis sa venue à Castelreng. Loin d’elle la vanité de la propriétaire ! Elle était plutôt humble en présence de ses pareilles et semblait craindre de demeurer plus qu’il ne le fallait auprès des hommes. Elle tenait à ce que son existence fût composée d’éléments invariables. Avec tous, elle savait se montrer prévenante et d’une gaieté légère. Jamais elle n’eût médit

Weitere Kostenlose Bücher