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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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contesté la victoire.
    – Qu’en pensez-vous ? demanda Belpech.
    – Rien, messire. Si je n’oublie point cet homme, peu me chaut comment il occupe ses jours.
    – Voulez-vous que nous allions vider un godet à la taverne d’en face ?
    Belpech était un homme avenant, avec qui deviser devait être agréable ; cependant Tristan déclina l’invitation :
    – On m’attend, messire. Une autre fois.
    De quoi se fussent-ils entretenus sinon de l’état de la France et de Guesclin ?
    – Il va y avoir quelques joutes… Voulez-vous savoir où et quand ?
    – Non, messire.
    – Si vous refusez d’y participer, on va vous prendre…
    – Pour un couard, acheva Tristan. Eh bien, sachez-le, messire : à quiconque le prétendra, j’accorderai une course, une seule, à la lance de guerre. Et j’inviterai, avant que nous ne commencions, mon appelant à fosser la terre qui le recevra !
    Il quitta Belpech sur un « au revoir » bref qui pouvait lui faire de cet homme un ennemi et galopa jusqu’à Castelreng.
    Allongé dans son berceau, Hélie dormait.
    « Il pousse, comme elle dit. »
    Les prévenances dont Maguelonne entourait leur enfant ne laissaient pas, parfois, de l’irriter. Il les trouvait excessives et devait accomplir de gros efforts pour dissimuler son ire. Hélie était un garçon. Il importait de le traiter en conséquence afin qu’il devînt un homme.
    – Il sera grand temps d’en faire un chevalier quand il aura sept ans, protestait Maguelonne.
    Elle était une mère accomplie, parfaite, irréprochable. Mais elle n’était plus qu’une mère, presque une nonne, encore que certains prétendissent que les filles vouées à Dieu célébraient de voluptueuses eucharisties dans la plupart des moutiers.
    Il était condamné à ses étreintes brèves, parfois interrompues : l’enfant pleurait. S’était-il découvert ? Il fallait sortir du lit pour s’en assurer et remédier à cet inconvénient, de sorte qu’au retour, l’agréable incident tournait à la querelle, faute de prolongement. Hélie avait-il soif ? Le sein passait d’une main tendre à des lèvres avides. Maguelonne avait beau s’offrir quelquefois, grande ouverte et résignée, il prenait ces bons vouloirs pour d’habiles sacrifices destinés à le guérir… mais de quoi ? Autant le lien maternel s’affermissait chez son épouse, autant le lien conjugal se relâchait sans qu’elle parût y prendre garde. S’il conservait des premiers jours de leur mariage un éblouissement qu’il entretenait par des flambées d’émouvantes souvenances, il savait qu’il n’existait aucun remède à leur résurrection.
    La différence et fréquemment l’opposition de leurs états d’esprit se faisait jour. Pour ne point envenimer leur malaisance, Tristan renonçait aux reproches, quels qu’ils fussent, et ceux qu’il s’adressait à lui-même quant à son incompréhension d’une « jeunette » lui tordaient le cœur. Il craignait de plus en plus, comme sans doute Maguelonne, que leurs enlacements, rares et prompts, sans la moindre enluminure, ne fussent et ne devinssent que l’expression d’une animalité dont ils s’étaient crus dépourvus. Les références à ses émois partagés avec d’autres envigouraient son imagination. Elles ne le pacifiaient que pour le tourmenter davantage. Les scènes incidemment nées dans sa mémoire exaltaient des désirs qui ne devenaient que des nécessités.
    Il se mit à épier les meschines et parfois les femmes de Paindorge et de Lebaudy, toujours réjouies dans la plénitude d’un bonheur de vivre et d’aimer qui peut-être était faux. Alazaïs et Sibille allaient et venaient du matin au soir dans une sorte d’insouciance. Lors des repas pris en commun autour de la maître table, il voyait parfois leurs mains s’unir à celles de leur homme, annonciatrices d’attouchements plus intimes dont il devinait l’issue. Sans qu’il souhaitât susciter l’amour d’une autre femme, il songeait à des parleries douces, nouvelles, semées de consolations méritées. Il avait grand besoin d’être compris, rassuré, encouragé, d’ouïr d’autres mots prononcés par d’autres voix et de lire dans d’autres regards des émois et compassions sincères.
    Alors qu’il craignait de sombrer dans l’avertin 187 , Maguelonne se reprit, découvrant çà et là, de façon concertée, une cheville, une jambe, ou se penchant davantage que la nécessité l’exigeait à la

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