Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
dit-elle un soir de grigne 180 avant qu’elle ne le rejoignît au lit.
    – Pourquoi ?
    – Parce que tu es un homme.
    Elle s’était exprimée en se dénudant. Elle avait maintenant, dans la clarté timide de la chandelle, un ventre rond et dur dont l’ombre se confondait à une autre. Tout au long de son déshabillage, elle avait paru se complaire en des gestes lents et comme définitifs.
    – Tu ne peux pas savoir…
    – Quoi ?
    Elle avait perdu cet air bienheureux d’antan, cette façon de se présenter à lui comme une chose fragile dont il devait prendre grand soin. Elle avait abandonné ce sourire nuancé d’un soupçon de gourmandise, cette candeur aussi, qu’elle savait si bien concilier avec son goût des réalités. À dire vrai, il suffisait qu’il l’examinât un peu trop entre ses cils mi-clos pour qu’il se sentît condamné à l’abstinence.
    – Je ne sais pas quoi  ? insista-t-il. Qu’est-ce que je ne peux pas savoir ?
    – Ce que c’est que de porter un petit. C’est un fardeau.
    – Je n’en disconviens pas.
    Elle parut hésiter. Il fut sensible à l’expression désolée de son visage lorsque sa dextre longue et blanche, presque nacrée, caressa son ventre comme pour rassurer l’enfant.
    – Il grandit et grossit. Je ne veux pas que tu l’étouffes.
    « La belle excuse ! » songea Tristan prêt à s’ébaudir. Il ne la connaissait que trop. Elle ne méritait même pas qu’il en discutât.
    *
    Selon son humeur et celle de Maguelonne, Tristan se résigna aux déceptions d’une adversité doucereuse ou revêche selon, parfois, l’humeur du ciel. Elle portait leur enfant avec une sorte de vaillance qui peut-être hypocritement faisait l’admiration de tous, même d’Alazaïs dont la grossesse approchait de son terme. Elle enfanta d’un garçon qui reçut le nom de Tristan, et Tristan le Vrai, selon Maguelonne, craignit d’être le père d’une fille.
    Ses vœux furent exaucés. Le vendredi 21 juin 181 , aidée par Sibille et Raymonde Rastinel, une meschine, la dame de Castelreng mit au monde un garçon que son géniteur tint à prénommer Hélie, du nom d’un aïeul qui avait suivi Louis IX à la septième croisade pour trouver la mort à Tunis, auprès du roi.
    Dès lors, de jour comme de nuit afin de le changer ou pour, de son sein, apaiser ses pleurs, Maguelonne consacra la plupart de ses heures à l’enfant. Déjà déchu de son état d’amant, Tristan se sentit relégué à celui de père.
    – Tu m’aimes moins… et même tu ne m’aimes plus, reprocha-t-il à son épouse un matin où il s’apprêtait à seller Malaquin pour aller vaguer du côté de Roquetaillade.
    Il s’était exprimé sur un ton enjoué, croyant ainsi dissimuler une maussaderie qui l’avait tenu éveillé toute la nuit.
    – Non, dit fermement Maguelonne. Tout est pareil… Tout le redeviendra.
    Ses relevailles dataient d’un mois. Il ne l’avait pas touchée. La veille, il avait essayé. Vainement. C’en était bien fini des audaces et des postures, des nudités complètes et provocantes. Ce qu’une amante avait osé, ce qu’une épouse avait consenti, une mère se l’interdisait.
    Ils étaient encore dans leur chambre, à mi-hauteur du donjon. Maguelonne saisit la dextre qui venait de se poser sur sa cuisse et la remonta sur son épaule.
    – Laisse-moi le temps, dit-elle joue contre joue afin, peut-être, qu’il ne vît pas son regard. Je suis lasse. Je t’aime et… te le montre autrement. Je me dévoue autant que toi à ce châtelet.
    De quelle espèce était cet amour-là ?
    Résigné, mais la rage au corps, Tristan vit son épouse se pencher au-dessus du berceau où l’enfançon reposait d’un sommeil figé, ses petits poings roses en avant comme si, déjà, il souhaitait fournir des coups.
    – Viens voir comme il est beau.
    Il refusa d’aller s’incliner sur son fils. Un vieux dicton lui revint en mémoire : «  l’ômé ës ëndigné d’ôm’êstré që dë sa fénno noun ês mêstro 182  ». Il s’interdit d’y souscrire, mais comme son épouse demeurait en extase devant leur fils, ses craintes lui échappèrent :
    – Tu vas l’aimer mieux que moi.
    Il s’attendait à une protestation du genre : «  Mais non, bestiou, ce n’est pas pareil  » ou : «  Grand fol ! C’est notre enfant et non le mien  » ou encore : «  Rien ne sera changé  », or, Maguelonne se verrouilla dans un silence têtu après avoir haussé les

Weitere Kostenlose Bücher