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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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épaules. Lorsque, le soir, il se risqua lentement à une glissade de la hanche au nombril, elle excipa d’une fatigue qu’elle n’éprouvait sans doute point, oubliant que lorsqu’elle était lasse, aux premiers temps de leur union, elle s’essanait 183 plus intensément que d’ordinaire.
    Il s’acharna aux travaux des champs avec Paindorge et Lebaudy qui paraissaient, eux, tout bonnement heureux. Point de guerre, une bonne chère et très certainement une bonne chair. Par intermittence, ils laissaient entrevoir leur plaisir d’enfourcher des épouses aisées à prendre et grâce auxquelles ils se consolaient de longs mois d’abstinence.
    « Dois-je les envier ? » s’interrogeait Tristan.
    Tandis que son cœur s’étrécissait, sa mémoire développée d’échec en échec lui restituait des visions précises d’où Maguelonne était exclue. Oriabel si fière d’être nue et de s’élancer dans ses bras, Mathilde follement inépuisable, Luciane, tiède en apparence mais chaude, frémissante dans les plis ombreux des nuits ; Francisca pour qui l’amour était une espèce de religion aussi âpre, aussi « prenante » que ses danses ; Tancrède dont l’état de mère n’eût sans doute pas amoindri les ardeurs.
    Il fût quelque peu rassuré le jour où Paindorge, qui chevauchait auprès de lui tandis que Lebaudy cheminait en arrière, commenta en désignant une douzaine de cranequiniers qui, de Limoux, ralliaient au petit trot Carcassonne :
    – Voilà que je les envierais presque. Je préfère guerroyer avec mes pareils qu’escarmoucher avec ma femme.
    Il avait tout pour être heureux – du moins en apparence : Alazaïs semblait d’humeur moliante, douce et maniable, et leur fils poussait droit comme un baliveau. Néanmoins il regrettait le temps de son écuyerie où, de l’aube au soir, son existence était une succession de dangers, d’accidents et d’aventures.
    – Surtout, n’en dites rien à Maguelonne ! Elle le répéterait.
    – L’ost, j’y pense aussi, confessa Lebaudy.
    – Eh bien, moi, Tristan, je vous dis que les batailles sont des calamités.
    L’annonce du traité d’alliance entre la France et la Castille 184 – qu’il avait apprise trois mois après l’apposition des sceaux – l’avait rendu moins amer qu’il eût pu l’être. Il ne cessait pourtant de haïr l’ancien Trastamare, l’usurpateur, le bâtard de Castille. Quant à Guesclin, il vivait toujours en Espagne. Hourdé de ses Bretons et de routiers, il menait sa guerre, entrecoupant ses batailles de longs séjours auprès de sa maîtresse.
    – Il ne reviendra pas, affirma Paindorge approuvé par Lebaudy.
    – Il reviendra, mes compères. Cet ambitieux a obtenu tout ce qu’il souhaitait en Espagne : or, respect, concubine. Vous savez autant que moi qu’il n’a jamais cessé de touiller l’esprit du roi, de lui adresser des présents, de faire le mignot et de fermer à bon escient sa grande goule. Il sait attendre le moment favorable pour son retour. Audrehem ne s’est jamais gêné pour dire qu’il ambitionnait l’épée de connétable.
    – Holà ! C’est Moreau de Fiennes, objecta Paindorge.
    – À Fiennes que pourra… Moreau se fait vieux. Le roi peut le bouter hors en l’assurant de son affection… Guesclin n’est plus à ses yeux un huron sinon un wandre 185 mais une espèce de prince rustique possesseur, en Espagne, de moult châteaux et domaines… À peine était-il haut comme trois soupes au vin que son fils et celui de la dame de Soria était promptement anobli par son complice : Enrique, Beltran de Torres… Notre roi si chrétien, qui ne doit rien ignorer de ce concubinage, lui pardonne de vivre en satrape tout en regrettant sans doute qu’il n’ait pas fourni à sa Tiphaine les enfants qu’il a conçus avec son Espagnole… Attendez-vous à voir paraître notre homme quand il sera certain d’obtenir l’épée. C’est sans doute la condition qu’il a mise à son retour. Et croyez-moi, toute dorée qu’elle soit – je ne dis pas adorée -, sa señora ne pèsera pas lourd dans la balance !
    Tristan se tut. Le seul fait de parler du Breton l’avait mis en sueur. Il fut comblé, quelques jours après cet entretien, lorsqu’il apprit, par Raoul de Belpech rencontré sur le marché de Limoux, que Guesclin, lors d’une joute à Oviedo, avait vidé les arçons sous le coup de lance d’un fidalgo 186 , Diego Valdès dont, sitôt après sa chute, il avait

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